Dr Laurent DraiMaître de conférences en droit privé, Université de Lille 3Membre du Centre René Demogue, Université de Lille 2
Avant de signer votre contrat de travail, examinez avec minutie des clauses qui peuvent y être adjointes.
Premier cas. L’université X m’a proposé de donner des cours de communication des entreprises au 2e semestre 2009. J’ai donné mon accord sans en référer à mon employeur. Ai-je bien agi ?
Laurent Drai : Si vous avez signé une clause d’exclusivité dans le contrat de travail, vous vous êtes mis « hors la loi » car au-delà de l’obligation de loyauté, votre employeur peut souhaiter se réserver l'exclusivité de vos services en vous interdisant contractuellement d'exercer une autre activité, concurrentielle ou non, en dehors de celle qui fait l'objet du contrat de travail.Bien sûr, cette clause constitue une atteinte importante à la liberté du salarié, c’est la raison pour laquelle les juges contrôlent qu’elle soit bien « justifiée par la nature de la tache à accomplir et proportionnée au but recherché » (Art. L 1121-1 C. trav.). Il faut noter que la clause d’exclusivité ne peut être opposée au salarié qui crée ou reprend une entreprise pendant un délai d’un an (Art. L 1222-5 C. trav.).
Deuxième cas. Je travaille dans un cabinet de conseils comme expert en corrosion des métaux ferreux. En mission pour une grosse compagnie pétrolière, mon client me propose d’intégrer son entreprise dans des conditions financières très attractives. Je décide de donner ma démission. Mon employeur peut-il me poursuivre ?
Laurent Drai : Si vous avez signé une clause de non concurrence ou si le contrat qui lie votre employeur avec son client comporte une clause de non sollicitation, vous ne pouvez pas changer d’employeur si facilement.La clause de non concurrence vient restreindre la liberté de travailler après la rupture du contrat Elle est valable sous certaines conditions :- être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;- être limitée dans le temps et dans l’espace ;- tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié ;- comporter pour l’employeur l’obligation de verser au salarié une contrepartie financière.Mais, les contraintes liées aux conditions de validité de la clause de non concurrence ont conduit la pratique à élaborer une nouvelle clause permettant aux employeurs de limiter les risques de concurrence de leurs salariés sans avoir à les rétribuer : il s’agit de la clause de non sollicitation.C’est cette clause qui s’applique dans ce second cas car elle est généralement conclue entre un prestataire de services et son client. Ainsi, elle interdit à ce dernier, non seulement de solliciter, mais également d’embaucher le personnel détaché par le prestataire auprès de lui. Comme la clause de non concurrence, la clause de non sollicitation empêche donc l’embauche future des salariés, mais, à la différence de celle-ci, elle oblige le futur employeur potentiel et non le salarié.
Troisième cas. Je travaille au centre de R&D d’un fabricant de matériel médical. Pendant mes heures perdues, le soir et les week-ends, j’ai développé une nouvelle application pouvant s’implémenter sur un matériel de l’entreprise. Qui détient les droits d’invention ?
Laurent Drai : L’article L 611-7 du code de la propriété intellectuelle définit le régime des inventions de salariés. Il distingue les inventions de mission réalisées pendant le temps de travail et les inventions hors mission. Si, comme dans ce cas, l’invention a été réalisée hors du temps de travail mais qu’elle touche au domaine de l’entreprise, elle appartient au salarié. Néanmoins, l’entreprise peut en réclamer l’attribution moyennant une compensation financière. Aussi, n’est-il pas rare que le contrat de travail d’un salarié inventeur reprenne les dispositions de ce texte et aménage les modalités de rémunération du salarié.
Quelques autres clauses qui peuvent être incluses à votre contrat de travail :
La clause de cession de droit d’auteur vise à permettre l’exploitation de la création du salarié par l’employeur. Pour être valable, elle doit obéir aux conditions de validité prévues par le code de la propriété intellectuelle (art. L 131-3 CPI).- Les droits cédés doivent être précisément indiqués.- La cession doit être limitée quant à son étendue et sa destination. La notion d’étendue du domaine d’exploitation renvoie aux modes d’exploitation ainsi qu’au nombre de diffusion ou de reproduction de l’œuvre. La notion de destination s’entend de la finalité poursuivie (esthétique ou utilitaire). Quant au lieu et quant à la durée. La cession doit prévoir la rémunération de l’auteur (Art. L 131-4 CPI). Cette rémunération est en principe proportionnelle aux produits de l’exploitation de l’œuvre. Par exception, elle peut être forfaitaire (art. L 131-4, al. 2 CPI).
La clause de confidentialité engage le salarié à tenir secrètes les informations auxquelles il a accès durant sa prestation de travail. Cette clause est une garantie supplémentaire pour l’employeur à côté de l’obligation de loyauté à laquelle sont soumis les salariés par le seul effet du contrat de travail. Sur ce fondement, les juges considèrent que le salarié est soumis à une obligation de discrétion, aussi bien dans l’entreprise, que vis-à-vis des tiers.
La clause de dédit-formation est destinée à fidéliser le salarié qui, en contrepartie d’une formation financée par l’employeur, s’engage à rester à son service pendant une certaine durée, sous peine de devoir payer une somme forfaitaire ou de rembourser les frais de formation. Pour que la clause soit valable, plusieurs conditions doivent être réunies :- Le coût de la formation doit dépasser celui de la participation légale ou conventionnelle de l'employeur au financement de la formation continue ;- le montant de l’indemnité de dédit-formation doit être proportionné aux frais de formation engagés ;- le salarié doit conserver sa liberté de rompre le contrat ;- la clause doit être particulière à chaque formation. Une clause générale dans le contrat de travail n’est donc pas valable.
La clause de mobilité : C’est celle par laquelle l’employeur se réserve le droit de modifier le lieu de travail du salarié. Il n’y a aucune limite quant à l’étendue géographique de la clause dès lors qu’elle est clairement rédigée (Cass. soc., 12 juill. 2006, no 04-45.396). L’élément important est que le salarié doit avoir connaissance de ses obligations lors de la signature du contrat. Concernant le changement de domicile du salarié, il ne peut être imposé que si ses attributions exigent une présence permanente au lieu de la nouvelle affectation (Cass. soc., 13 juill. 2004, n°02-44.958)
Source ABG