Directeurs de thèse : Léa Lansade (Haras nationaux) et Frédéric Lévy (INRA)
Projet de thèse prévu pour la rentrée 2009 sous réserve d’obtention d’une allocation de recherche de la Région Centre
Laboratoire d’accueil : Equipe comportement, neurobiologie et adaptation
Unité Physiologie de la reproduction et des comportements
UMR 6175 – INRA-CNRS-Université de Tours-Haras nationaux
INRA, 37380 Nouzilly
Ecole Doctorale : Université de Tours
Financements : Haras nationaux / Région Centre
Les capacités d’apprentissage sont soumises à une forte variabilité interindividuelle : tous les individus n’ont pas les mêmes facilités pour apprendre. Cette variabilité peut être en partie imputée au tempérament. Des études ont par exemple montré qu’un tempérament peureux pouvait sous certaines conditions nuire aux apprentissages (ex. chez le cheval : Wolff et Hausberger, 1996). Cependant la relation constatée entre tempérament et apprentissage est complexe, voir parfois décrite de manière contradictoire. Elle semble en réalité fortement dépendante du contexte émotionnel dans lequel l’individu apprend. Chez l’humain, de nombreuses et récentes études cherchent à décrire l’influence de l’état émotionnel sur les capacités d’apprentissage. Mayer et al. (1997, 2000, 2002, 2003) ont notamment observé que certains individus, quand ils sont placés dans un environnement stressant se révèlent plus performants ou au contraire moins performants que lorsqu’ils sont placés dans un environnement n’induisant pas d’émotions particulières. Ce lien complexe entre apprentissage, tempérament et état émotionnel est encore peu décrit chez l’animal, et à fortiori chez le cheval. Outre son intérêt fondamental, cette question est excessivement importante à considérer pour la pratique équestre. En effet, les cavaliers décrivent que certains chevaux possèdent un tempérament qui les conduit à présenter des performances d’apprentissage moyennes quand ils sont montés dans un environnement familier alors qu’ils se révèlent particulièrement performants lorsqu’ils sont dans un environnement stressant, comme la compétition. L’inverse est aussi décrit : des chevaux très performants dans un environnement n’engendrant pas d’émotions particulières peuvent devenir peu performants sous l’effet d’un stress.
L’objectif de cette thèse est donc de mieux comprendre les relations qui existent entre tempérament et apprentissage, en fonction du contexte émotionnel dans lequel l’individu apprend.
Pour cela, nous procéderons en trois étapes.
1. Dans un premier temps, nous caractériserons le lien entre tempérament et apprentissage lorsque l’animal apprend dans un environnement ne provoquant pas d’émotions particulières : dans un milieu familier et en présence de congénères.
Une étude préliminaire réalisée en 2008 sur 36 chevaux a montré que dans ces conditions il existait effectivement une relation entre le tempérament de l’individu et ses performances d’apprentissage. Nous avons notamment pu montrer que les individus au tempérament peu peureux, actif et sensible avaient plus de facilité pour apprendre. Ces résultats sont particulièrement encourageants pour la suite du programme et laissent entendre que notre méthodologie est bien adaptée à la problématique.
2. Dans un second temps, nous identifierons des contextes qui ont d’une manière générale un effet plutôt facilitateur ou plutôt délétère sur les capacités d’apprentissage.
Par exemple, il semblerait qu’une rupture sociale induite dans les jours précédant la période d’apprentissage puisse avoir un effet facilitateur chez de nombreux individus. A l’inverse, l’introduction d’éléments anxiogènes dans l’environnement, comme des stimuli nouveaux ou soudains nuirait plutôt aux apprentissages.
Pour cela, nous comparerons les performances d’animaux qui apprendront dans un milieu n’engendrant pas d’émotions particulières avec celles d’animaux qui apprendront dans un contexte émotionnel particulier, comme un isolement social, un sevrage ou un environnement anxiogène (environ 5 mois d’expérimentations réparties en 2010 et au cours du 1er semestre 2011).
3. Une fois l’influence de ces contextes caractérisée, nous déterminerons si elle est plus ou moins marquée en fonction du tempérament de l’individu. Par exemple, il est probable que pour un individu très peureux, l’effet du stress soit rapidement délétère pour l’apprentissage, tandis qu’un animal moins peureux supportera des intensités de stress beaucoup plus importantes.
Pour cela, tous les animaux apprendront dans un même contexte émotionnel (e.g. en isolement social), puis leur tempérament sera caractérisé. Nous pourrons alors identifier la relation tempérament – apprentissage dans ces contextes particuliers et déterminer ainsi si certains individus, de par leur tempérament, sont moins influencés que d’autres par le contexte de l’apprentissage. Deux autres expérimentations de deux mois chacune seront prévues au cours du second semestre 2011 et en 2012.
Méthodes
Animaux
Les expérimentations nécessaires à cette thèse seront réalisées sur les poneys Welsh de l’INRA de Nouzilly et sur les chevaux Anglo-arabes de la station expérimentale des Haras Nationaux. Nous souhaitons également travailler sur les chevaux de l’Ecole Nationale d’Equitation afin de réaliser des études plus appliquées.
Types de tests
Nous utiliserons les tests de tempérament que nous avons déjà développés au laboratoire, ainsi que deux tests d’apprentissage que nous avons mis en place en 2008. Le premier test consiste à conditionner l’animal à franchir un obstacle lorsqu’il entend un signal sonore, afin d’éviter un renforcement négatif (jet d’air dirigé contre son flanc). Cet apprentissage est classiquement réalisé chez de nombreuses espèces, notamment les rongeurs, ce qui permettra de comparer les résultats avec ceux de la littérature. Le second apprentissage se rapproche de la pratique équestre. Il consiste à apprendre à l’animal à reculer lorsque le manipulateur lui donne un ordre vocal afin d’obtenir une récompense alimentaire. Ces apprentissages de relativement longues durées permettront d’explorer l’impact de stress durables, comme un isolement social ou un sevrage. Afin de pouvoir également étudier l’influence de stress ponctuels, nous envisageons de mettre au point des apprentissages de plus courtes durées.
Financements du projet
Les financements nécessaires seront obtenus en répondant aux appels d’offres des Haras nationaux, qui ont permis jusqu’ici de financer toutes nos études sur le comportement équin. Un co-financement de bourse de thèse a dores et déjà été accepté par les Haras nationaux dans le cadre de leur dernier appel d’offres.
En outre, en réalisant des études qui intéressent les professionnels du cheval, il aura l'occasion de découvrir ce milieu et de lier des contacts, ce qui pourra lui ouvrir d'autres portes vers le milieu professionnel une fois la thèse terminée.