Interactions signal – contexte dans le comportement d’orientation olfactive chez l’insecte
L’odorat joue un rôle fondamental pour de très nombreux organismes. Les insectes sont des modèles particulièrement appropriés en neuroéthologie de l’olfaction car leur système olfactif est analogue à celui des mammifères et sous-tend des comportements bien caractérisés. Ainsi, chez les papillons, les femelles émettent une phéromone sexuelle attractive pour les mâles ; de même, les odeurs de plantes permettent la localisation et la reconnaissance de l’hôte végétal. Ces deux types de signaux odorants sont traités par des voies distinctes, y compris au niveau de l’antenne et du lobe antennaire, le premier relais de l’information olfactive. Cependant, ces deux voies interagissent : il a été montré que les odeurs de plantes peuvent moduler l’attraction des mâles par la phéromone sexuelle. Ce résultat montre que la réponse à une odeur spécifique n’est pas indépendante du contexte odorant. Cependant on sait peu de choses sur la façon dont les insectes gèrent la présence simultanée de plusieurs odeurs ayant des significations fonctionnelles distinctes et libérées par des sources différentes. Elles peuvent être spatialement congruentes, la femelle émettant sa phéromone au contact de la plante hôte, mais aussi varier indépendamment (perte de congruence), ou même créer un conflit (cas d’une odeur phéromonale perçue en même temps qu’une odeur aversive). Selon le contexte, les interactions pourront donc favoriser ou gêner la recherche du partenaire et l’animal devra opérer une intégration pour optimiser sa recherche de ressources vitales.
L’objectif de cette thèse sera d’analyser par quels mécanismes l’insecte intègre le signal phéromonal dans un contexte odorant plus ou moins congruent en étudiant : (axe 1) les processus comportementaux qui permettent à l’insecte de s’adapter à des variations de ce contexte ; (axe 2) les bases neuronales associées. Ce travail sera mené sur le papillon nocturne Agrotis ipsilon, un ravageur polyphage. La réponse du mâle à la phéromone est stéréotypée et a été bien caractérisée à l’aide d’approches comportementales et neurophysiologiques maîtrisées au sein de notre équipe.
Dans l’axe 1) l’animal sera confronté à une odeur non phéromonale lors d’expériences de suivi de la phéromone par trajectométrie dans un tunnel de vol ou dans un compensateur de locomotion. Ces dispositifs permettent d’enregistrer les trajectoires des animaux vers des sources odorantes, et de mettre en évidence toute modification de leur stratégie d’orientation. On évaluera l’effet d’une odeur contextuelle sur la réponse à la phéromone, en fonction de sa signification. Cette signification peut être une association positive ou négative avec la phéromone : si un mâle suit une phéromone en présence d’une odeur de plante, l’animal continuera-t-il à suivre l’odeur si la phéromone n’est plus perçue ? À l’inverse, si une odeur est présente uniquement lors de la suppression de la phéromone, l’animal apprendra-t-il à l’éviter ? D’autre part, la signification de l’odeur contextuelle peut provenir de l’expérience alimentaire des animaux ; on peut associer une odeur à de la nourriture ou à un stimulus aversif (quinine). L’effet de l’odeur sur la phéromone changera-t-il avec sa signification positive ou négative ?
L’axe 2) abordera les bases neurophysiologiques de la perception des mélanges phéromone/odeur contextuelle. Pour cela, nous étudierons par imagerie calcique l’effet d’odeurs contextuelles sur le codage de la phéromone au sein du lobe antennaire, le premier site d’intégration de l’information olfactive dans le cerveau des insectes. En effet, il est bien établi que des phénomènes de plasticité associative peuvent s’y produire lors d’exposition aux odeurs. La réponse neuronale lors de protocoles d’exposition aux odeurs correspondants à ceux de l’axe 1) sera étudiée lors d’enregistrements en imagerie calcique.
Cette thèse est directement issue des résultats acquis au cours du projet ANR blanc 2011-2014 POPIs et s’inscrit dans la stratégie à long terme des recherches du laboratoire. Du fait du statut de ravageur d’Agrotis ipsilon il est pertinent en agroécologie. La problématique est d’actualité dans un contexte de besoin en connaissances intégrées comme le montrent les appels d’offres nationaux et européens. Les approches proposées sont réalisables dans le contexte d’une thèse et devraient amener des résultats directement publiables comme l’attestent les articles produits par nos doctorants précédents.
Encadrants et informations complémentaires :
Michel RENOU (DR INRA) michel.renou@versailles.inra.fr 01 30 83 32 32
Matthieu DACHER (MCU UPMC/Paris 6) matthieu.dacher@snv.jussieu.fr 01 30 83 33 99
Ces recherches auront lieu dans les locaux de l’INRA de Versailles au sein de l’Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris (IEES Paris), département d’Écologie Sensorielle. La personne retenue devra soumettre sa candidature à l’école doctorale Cerveau, Comportement, Cognition de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6) entre la mi-avril et le 2 juin, puis défendre le projet lors d’une audition organisée à Paris entre le 2 et le 5 juillet 2014.
Plus d’information sur le site de l’école doctorale : http://ed3c.snv.jussieu.fr/index.php/contrats-doctoraux
Et sur les recherches du laboratoire : http://iees-paris.ufr918.upmc.fr/index.php?page=fiche&id=69&droit=1 http://iees-paris.ufr918.upmc.fr/index.php?page=fiche&id=15&droit=1