lundi 25 avril 2022

Annonce thèse

 Titre du Projet de thèse* : Mécanismes et ontogenèse des déplacements collectifs.

Expérimentation et modélisation mathématique en milieu alimentaire homogène et hétérogène.

Mots clés* (6): Déplacements collectifs, développement, socialité, coordination, voisinage

influant, modélisation.

English title of the thesis project*: Mechanisms and ontogeny of collective movements.

Experimental and mathematical modelling approaches in homogeneous and heterogeneous

feeding habitats.

Keywords*: Collective movements, development, sociality, coordination, neighborhood,

modelling

Résumé du projet de thèse*:

L’étude des déplacements collectifs s’incorpore dans le cadre des phénomènes auto-organisés.

Un des fondements de ce cadre théorique réside dans la proposition que des interactions locales

sont suffisantes pour générer des structures complexes au niveau du groupe. La grande majorité

des études de mouvement collectif ont considéré des milieux homogènes (i.e. absence

d’obstacles, distribution spatial uniforme de nourriture, etc). A notre connaissance, tous ces

études, sauf un, concernent des sujets adultes. L’objectifs de cette thèse sont i) d’étudier,

expérimentalement et théoriquement, le développement des mécanismes de coordination dans

les déplacements chez le mouton dans des milieux homogènes, mais aussi hétérogènes, et ii)

aborder l’ontogenèse du mouvement collectif. Nous aborderons ce dernier point en quantifiant

les comportements et les trajectoires au sein de groupes de taille fixe (4, 8 et 16 sujets),

composés de sujets du même stade de développement/âge (2, 4 et 12 mois) ou de deux stades

différents. Expérimentalement, les localisations et trajectoires des animaux seront obtenues

grâce à des GNSS et/ou des capteurs UWB dans des pelouses naturelles. Les données de

comportement seront obtenues par des accéléromètres, même si toutes les expériences seront

filmées. Nous étudierons aussi comment les déplacements des animaux sont affectés par

l’hétérogénéité contrôlée des ressources alimentaires (i.e. en contrôlant la qualité et quantité de

pelouse dans l’espace de déplacement). Au niveau théorique, nous utiliserons des modèles

d’agents avec des variables internes pour représenter l’état comportemental des individus, et

considérerons des taux de transition locales et dépendant de la qualité et quantité de la ressource

alimentaire local. La question des possibles modifications des comportements au cours de

l’ontogénèse sera abordée avec des outils de Reinforcement Learning.

Summary of the thesis project*:

Collective movements in living systems have been the subject of a considerable number of

studies within the scope of self-organization. Within this framework, complex patterns at the

group level emerge from local interactions. Most collective motion studies have considered

homogeneous environments (i.e. no obstacles, homogeneous distributions of food sources, etc).

Furthermore, to the best of our knowledge, all collective motion studies, but one, are restricted

to adults. The objectives of this thesis project are i) to investigate, experimentally and

theoretical, the underlying behavioral rules that lead to coordinated collective displacements in

sheep in homogeneous as well as heterogeneous environments, and ii) to study the ontogeny of

collective motion. To address the latter point we will make use of the fact that lambs exhibit

marked change in sociability and behavior during their first months of life. We will quantify

the behavior and trajectories of groups of fixed size (with 4, 8 and 16 individuals) in the same

developmental phase, considering 2, 4, and 12 months old individuals or of two different

development phases. Experimentally, location and trajectories will be collected using GNSS

and/or UWB sensors. Behavioral data will be obtained using accelerometers, but all trials will

be also filmed. We will also study how collective displacements are affected by heterogeneous

distribution of food sources by controlling the quality and quantity of grass in the experimental

arena. At the theoretical level, we will make use of agent-based models with an internal variable

that describes the behavioral state of the individuals and consider local transition rates that

depend on the quality and quantity of the local food sources. Collective motion ontogeny will

be addressed by making use of concepts of Reinforcement Learning.

Thématique : Comportements collectifs

Domaine : Biologie - Physique

Objectifs : Le projet vise à étudier, dans un environnement contrôlé, les hypothétiques

mécanismes impliqués dans la coordination comportementale, spatiale et temporelle permettant

les déplacements collectifs dans des milieux homogènes et hétérogènes. Nous nous proposons

d’étudier ces questions au cours du développement des animaux. Nous quantifierons les

comportements de déplacement (stationnaire ou non-stationnaire), la vitesse de déplacement,

le nombre de pas en fonction de la taille/masse des individus. Nous mesurerons aussi le temps

passé en alimentation, déplacement, et vigilance, ainsi que le nombre de bouchées. En effet, des

différences anatomiques liée au développement peuvent générer des déplacements ou

exploration différente et en fin de compte soit une absence de cohésion soit une cohésion mais

avec un coût énergétique asymétrique/mutuel dans les groupes composés. Cet objectif pourra

être atteint en comparant des groupes d’individus d’âge identique ou différent. Nous

mesurerons aussi le niveau d’attraction sociale entre individus en mesurant les inter-distances

entre sujets et le degré d’alignement des sujets. Nous utiliserons les outils de quantification et

modélisation des comportements élaborés lors de nos travaux passés sur des groupes de

moutons adultes. Nous intègrerons les hypothèses et mécanismes comportementaux dans un

modèle d’agents dans lequel l’état comportemental de chaque individu est représenté par une

variable interne. Cette approche interdisciplinaire permettra d’apprécier la portée de différentes

hypothèses quant à la nature des interactions ainsi que l’identification du voisinage pour rendre

compte des déplacements collectifs et de leur possible modification au cours du développement

des individus. A notre connaissance, ce travail expérimental sera le second à aborder la genèse

et la quantification des déplacements collectifs au sein d’une même espèce et le premier à

évaluer les potentiels coûts de la cohésion dans le même type de milieu complexe permettant

l’expression d’une diversité de comportements entre individus, sans relation de dominance et

sans compétition par exclusion.

Contexte *: L’étude des déplacements collectifs est à l’interface de la biologie-écologie et de

la physique. Elle vise à identifier les comportements les plus simples, les interactions et les

voisins en interaction (niveau individuel - échelle locale) permettant l’expression de propriétés

collectives (niveau collectif – large échelle). Les modèles actuels reposent sur quelques règles

alternatives permettant de rendre compte des propriétés collectives et de leur modification, et il

est parfois difficile d’identifier la meilleure des hypothèses (Weitz et al 2012 ; Hinz & Polavieja

2017 ; Toulet et al. 2015, Gascuel et al 2021). Presque tous ces travaux théoriques ou

expérimentaux s’intéressent à des individus adultes. Plus rares sont ceux qui ont étudié des

individus juvéniles (Bazazi et al 2012 ; Buhl et al 2006). Les travaux reposent en général sur le

fait que les individus sont très comparables du point de vue comportemental et sensoriel, qu’ils

expriment un nombre limité de comportements, que les animaux interagissent en permanence

entre eux. A notre connaissance un seul travail s’est proposé d’étudier les déplacements dans

une perspective de développement/ontogenèse (Hinz & Polavieja 2017). Notre première

question générale est la suivante : les individus se déplacent-ils collectivement et de la même

façon en fonction de l’âge, depuis des stages juvéniles précoces jusqu’au stade adulte. Si des

différences d’attraction sociales ou de déplacement existent entre individus d’âge différent, cela

affecte t’il le niveau de cohésion sociale? Hinz & Polavieja (2017) ont bien montré que le niveau

d’attraction sociale varie avec l’âge. Par contre, ils n’ont pas abordé la question de la cohésion

au sein de groupes composés d’individus de différents âges et le potentiel coût que cela

engendre. Les espèces de vertébrés grégaires vivent en groupes qui peuvent contenir des sujets

qui diffèrent notamment par la taille ou le statut social et cela peut compromettre la cohésion

socio-spatiale ou nécessiter des compromis (Evers et al 2011, Farine et al. 2017, Harel et al

2021). Nous nous proposons d’étudier les comportements, les interactions et les propriétés des

possibles déplacements collectifs au cours du développement chez le modèle mouton (Ovis

aries). Ce modèle présente tout au long de sa vie l’intérêt d’être grégaire et d’occuper un milieu

très comparable, ce qui n’est pas le cas des espèces présentant des métamorphoses par ex. Chez

les moutons sauvages comme domestiques, comme chez de nombreuses autres espèces, les

groupes peuvent être composés d’individus juvéniles, adultes, et de nouveaux nés. Au cours du

développement, les individus présentent des modifications notables de comportement, de

socialité, notamment au cours du passage de l’alimentation lactée à l’autonomie alimentaire.

Aussi au cours des semaines vers l’autonomie alimentaire, on observe une forte réduction des

activités de jeu, des interactions sociales. Le mouton permet d’étudier expérimentalement

l’influence du développement comportemental, alimentaire, de locomotion et social sur la

dynamique des déplacements. Les travaux peuvent être menés dans des pâturages naturels

homogènes. Il est aussi possible de contrôler la composition des groupes. Nos travaux seront

réalisés en composant des groupes de sujets du même âge et d’âge différents, en enregistrant

les comportements à 3 stades de développement (vers 2 mois période suivant le sevrage

alimentaire, 4 mois - période juvénile, 12 mois – période adulte précoce). Les expériences

seront menées dans des pâturages de pelouse naturelle (steppe de la Crau) mais homogène du

point de vue de la couverture végétale. Nous quantifierons au niveau individuel, le niveau

d’attraction sociale, la façon de se déplacer, les coûts énergétiques métaboliques en fonction de

la masse/taille (Nudds et al 2009), de la vitesse de déplacement et le nombre de pas (Heglund

& Taylor 1988, Dewhirst et al 2017) et l’incidence au niveau collectif (cohésion sociale,

alternance et transition de phases stationnaires et non-stationnaires, possible ségrégation

spatiale, niveau d’exploration). Nous utiliserons le cadre d’un système d’agents apprenant par

renforcement (multi-agent reinforcement learning framework) pour évaluer les possibles

modifications des comportements des individus pouvant affecter la coordination sociale lors

des déplacements (Durve et al 2020). Nous évaluerons comment la coordination sociale et les

déplacements peuvent être affectés par l’hétérogénéité environnementale, cette dernière étant

expérimentalement contrôlée.

Méthode : Les animaux seront élevés dans les mêmes conditions. Ils auront accès aux pâturages

dès le plus jeune âge en suivant leur mère. Suite au sevrage maternel, les animaux seront

introduits dans des parcs de même superficie et homogènes du point de vue de la végétation.

Les animaux se trouveront en groupe de taille égale à 2, 8 ou 16. Nous réaliserons 20

réplications pour chaque taille de groupe. Chaque réplication durera une heure.

Les sujets seront équipés de GPS et/ou d’UWB permettant de les localiser au moins 1

fois/sec. Ils porteront aussi des accéléromètres qui permettront de coder automatiquement les

comportements les plus simples. L’identification des comportements se fera par des méthodes

d’apprentissage (deep learning), ce qui nécessite d’être capable d’identifier les comportements

par des méthodes éthologiques classiques, reposant sur des enregistrements videos. Chaque

réplication sera aussi filmée pour identifier les comportements qui pourraient être difficiles à

identifier automatiquement.

Des analyses par échantillonnage focal (focal sampling) et des comptages continus (all

occurrence sampling) durant des périodes courtes pourront permettre d’évaluer les taux de pas

et de bouchées (Michelena et al 2004).

Nous intègrerons toutes les données dans des modèles d’agents intelligents : les agents

peuvent changer et adapter leur comportement en utilisant une variable interne qui représente

le comportement de l’agent. La variable interne évolue par une chaine de Markov et le

comportement dans l’espace est décrit par une équation de Langevin avec des coefficients

dépendent de la variable interne. Dans la phase de l’étude de l’ontogenèse, nous considérons

des coefficients qui évoluent par une dynamique de Reinforcement Learning.

Résultats attendus : Les brebis adultes testées dans des conditions identiques à celles que nous

nous proposons dans ce projet ont la particularité de rester en un seul agrégat lors d’une activité

quasi-contenue de prise alimentaire. Elles alternent des périodes de déplacement nul/très faibles

avec des périodes de déplacement plus rapide sur quelques mètres et ceci en synchronie.

Lorsque des accélérations durent plusieurs secondes, cela conduit à des déplacements collectifs

manifestes. Nous faisons l’hypothèse que la simple attraction sociale qui est sous-jacente au

suivi des individus en déplacement n’est pas aussi marquée durant les stades les plus précoces,

de sorte que l’on s’attend à moins de cohésion sociale et une synchronisation plus faible des

déplacements. Alternativement, la moindre cohésion sociale peut s’expliquer par une plus

grande diversité comportementale chez les jeunes. En outre, la prise alimentaire étant

probablement moins intense (taux de bouchées), moins longue (durée des bouts ou période

inter-repos) on peut imaginer que des activités de repos, de vigilance, d’interactions sociales

rend la polarisation, l’agrégation et donc la cohésion sociale des groupes moins élevée. Avec

l’augmentation de la part du brout, nous émettons l’hypothèse que la synchronie des

déplacements dans l’espace et le temps croît. En outre, nous nous attendons à ce que le coût

énergétique métabolique de déplacement sera plus élevé chez les sujets jeunes, de faible masse

et plus petits, que les plus âgés sur la base des indicateurs de la locomotion. On s’attend à ce

que dans les groupes avec des individus d’âge différent, le niveau de cohésion sociale soit

moindre et puisse engendrer un coût chez les plus jeunes par une augmentation de la vitesse de

locomotion et moins de prise alimentaire.

Finalement, nous intègrerons tous les données dans des modèles d’agents intelligents.

Le modèle nous permettra de pouvoir évaluer les hypothèses et prédire les comportements dans

plusieurs situations hypothétiques. L’utilisation des techniques de Reinforcement Learning

pour faire évoluer des paramètres dans le modèle proposé va nous permettre d’aborder

l’ontogenèse du mouvement collectif théoriquement.

Références bibliographiques *:

Bazazi S et al. 2012. Vortex formation and foraging in polyphenic spadefoot toad tadpoles.

Behav Ecol Sociobiol, 66:879–889.

Buhl J et al. 2006. From disorder to order in marching locusts. Science, 212:1402-1406.

Dewhirst OP et al. 2017. An exploratory clustering approach for extracting stride parameters

from tracking collars on free-ranging wild animals. J. Exp. Biol. 220, 341-346.

Durve M, Peruani F & CelaniA. 2020. Learning to flock through reinforcement. Phys. Rev. E

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Farine DR et al. 2017. Individual variation in local interaction rules can explain emergent

patterns of spatial organization in wild baboons. Proc. R. Soc. B 284: 20162243

Gascuel H, Bon R & Peruani F. 2021. Identifying interaction neighbours in animal groups.

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Ginelli F, Peruani F,… Bon R. 2015. Intermittent collective dynamics emerge from conflicting

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Harel R, Loftus JC, Crofoot MC. 2021. Locomotor compromises maintain group cohesion in

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Heglund & Taylor 1988. Speed, stride frequency and energy cost per stride: how do they change

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Hinz RC & de Polavieja GG. 2017. Ontogeny of collective behavior reveals a simple attraction

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Michelena P … Bon R. 2004. An experimental test of hypotheses explaining social segregation

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Nudds RL et al. 2009. Evidence for a Mass Dependent Step-Change in the Scaling of Efficiency

in Terrestrial Locomotion. PLoS ONE 4(9): e6927

Toulet S, Gautrais J, Bon R, Peruani F. 2015. Imitation Combined with a Characteristic

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e0140188.

Evers et al. 2011. Better Safe than Sorry - Socio-Spatial Group Structure Emerges from

Individual Variation in Fleeing, Avoidance or Velocity in an Agent-Based Model. PLoS

ONE 6(11): e26189.

Candidature

Profil et compétences recherchées* : la personne recherchée devra avoir une formation en

éthologie/comportement animal. Elle devra aussi acquérir de solides compétences en

modélisation pour quantifier la dynamique sociale et les déplacements. Elle devra à cet égard

travailler dans deux universités différentes, celles de rattachement des co-encadrants. En outre,

cette personne devra être capable de conduire des expériences sur le terrain, se former au

gardiennage, accepter des périodes d’astreinte dans le domaine. La personne recherchée devra

travailler dans un contexte zootechnique et d’élevage et se conformer aux règles de travail, sous

l’autorité du directeur du domaine. Le site expérimental étant éloigné de l’université, la

personne devra montrer de l’autonomie, tout en restant en contact étroit avec les directeurs de

thèse, de la résistance physique, de la persévérance et beaucoup de rigueur.

Profile and skills required* : the candidate should have a solid background in ethology/animal

behavior and a strong affinity with quantitative analyses/modelling. The necessity to share time

between the two universities of affiliation of supervisors must be taken into account. The

candidate should have also to conduct experiments in the field with previous formation in

herding sheep, which requires physical resistance, perseverance and rigorousness. During

experiments the candidate should have to care all the animals involved, this requiring

commitment all the week, in conformity with the zootechnical rules of the experimental farm,

cooperating with the community of agents appointed in the farm. Because the field station is

far from the laboratories, the candidate should manifest a strong autonomy but also should keep

permanent contact with both supervisors.