jeudi 16 avril 2009

PERENNITE ET INTENSITE DU LIEN SOCIAL CHEZ UN COUPLE MONOGAME


PERENNITE ET INTENSITE DU LIEN SOCIAL CHEZ UN COUPLE MONOGAME: LA MONOGAMIE SOCIALE CHEZ LA SOURIS GLANEUSE A L’EPREUVE DE L’EXPERIENCE INDIVIDUELLE

Projet de thèse de doctorat de Biologie, mention Biologie du comportement
- École Doctorale Université Paris 13: Sciences, Technologie, Santé (Galilée), dir. Prof. V. Laurent
- Directeur de thèse : Christophe Féron, MCF HDR, LEEC
1- Contexte.
Les liens sociaux qui se développent entre les individus d’une même espèce peuvent être multiples et variés. Cette variété résulte de la diversité du type d’échanges, de la nature et de l’histoire des individus impliqués. Il peut en effet s’agir de liens entre une mère et ses jeunes, entre des individus (jeunes ou moins jeunes) qui se côtoient régulièrement, ou encore de liens entre les partenaires d’un même couple. Les liens sociaux correspondant à ces diverses situations peuvent également différer par certaines de leurs caractéristiques et notamment de par leur intensité et leur pérennité.
Les liens sociaux qui unissent les partenaires d’un couple monogame sont, chez certaines espèces, particulièrement forts et durables. Toutefois, le lien social s’inscrit dans un processus dynamique.
Depuis la formation du couple, les différentes expériences vécues par le mâle et la femelle, le
développement, le vieillissement de chacun d’eux, risquent fort d’affecter ce lien. La monogamie est un phénomène rare chez les mammifères. Celui-ci ne peut être appréhendé expérimentalement avec des conditions contrôlées qu'autorisent les études en laboratoire que chez un très petit nombre d'espèces. La souris glaneuse Mus spicilegus est l'une d'elle.
Chez cette espèce d’Europe centrale, la formation d’un couple reproducteur nécessite une phase de familiarisation de quelques jours. L’interaction, initialement très agressive, devient alors plus
affiliative. Cette phase permet à la fois de développer un lien social entre les partenaires (Patris & Baudoin, 1998 ; Baudoin et al. 2005), de rendre la femelle sexuellement réceptive (Féron & Gheusi, 2003), et de stimuler les comportements sexuels (Busquet et al. 2009). Particulièrement intenses, ces derniers vont alors durer plusieurs heures (Féron & Gouat, 2007). Cette activité sexuelle soutenue participe à l’établissement du lien social exclusif entre les partenaires. Les couples ainsi formés donneront alors naissance à des portées successives, chaque nouvelle fécondation se réalisant dans les 12 heures suivant chaque mise-bas (Féron & Gouat, 2007).
Dans les conditions naturelles, ces animaux ne vivent pas plus de dix mois. Seuls les individus nés en automne survivent à l’hiver en construisant et en s’abritant dans des tumuli formés d’épis, de divers composés végétaux et de terre. Ce n’est qu’au printemps suivant que de nouveaux couples reproducteurs se formeront (Gouat et al. 2003). Ils donneront naissance à quelques portées qui pourront également avoir l’opportunité de se reproduire jusqu’à l’hiver suivant où tous les adultes disparaitront. Dans les conditions de laboratoire, les souris de cette espèce peuvent par contre vivre plus de deux ans.

2- Objectifs.

Cette thèse se fixe pour objectif d’étudier l’intensité et la pérennité du lien social qui relie les deux membres d’un couple chez une espèce monogame: la souris glaneuse Mus spicilegus. Ces paramètres seront étudiés au regard des expériences antérieures et postérieures à la formation du couple. Les procédures employées permettront d’étudier de manière parallèle le lien reliant le mâle à la femelle et celui reliant la femelle au mâle (Bardet et al. 2007).

Expérience antérieure à la formation du couple :

Age des individus
Dans les conditions naturelles, les individus nés à l’automne patientent jusqu’au printemps suivant pour se reproduire. Ils auront alors 5-6 mois, âge relativement avancé pour ces animaux, quand ils formeront des couples monogames. Les souris nées au printemps, n’auront par contre que 2-3 mois quand elles s’établiront en couple. L’âge des animaux lors de la formation du couple pourrait affecter les paramètres du lien social entre les partenaires. L’impact de ce facteur sera donc évalué.

Expériences postérieures à la formation du couple :
Fidélité et lien social :
Chez cette espèce, les premiers comportements sexuels qui sont très intenses. Par la suite, les accouplements ont lieu juste après la mise bas et sont par contre très brefs. Moins réceptive aux
avances du mâle, la femelle refuse rapidement l’accouplement, bien avant que la satiété sexuelle du mâle soit atteinte. La motivation sexuelle du mâle pourrait alors l’inciter à des infidélités. Les mâles pourraient alors connaître un conflit motivationnel entre le lien qui les unit à leur femelle et la recherche d’une nouvelle partenaire sexuellement réceptive. Par ailleurs, les intenses comportements parentaux exercés par mâle, laissent supposer que les jeunes possèdent un fort pouvoir attractif. Au cours de la vie reproductive du couple, le lien unissant le mâle à la femelle pourrait alors être relayé par un lien parental. Le lien social unissant les partenaires pourra être évalué par l’intérêt que chacun porte pour l’autre, mais il le sera aussi par l’intérêt que chacun porte pour un partenaire étranger à divers moments de la vie reproductive du couple. Dans un second temps, il est également envisagé de rechercher si des infidélités avec un partenaire étranger ont des conséquences sur le lien social unissant le couple.

Pérennité du couple:
Dans la nature, la vie ces animaux ne dépassant pas quelques mois, la pérennité du couple est donc limitée par leur survie. En laboratoire, par contre, l’espérance de vie des adultes permet de maintenir des couples sur des périodes beaucoup plus longues. Cette situation expérimentale permettra d’étudier le devenir du lien social chez des couples ayant des durées de vie commune allant bien au-delà de celles que connaissent les animaux en milieu naturel et notamment chez des couples sénescents.

Baudoin C., Busquet N., Dobson F.S., Gheusi G., Féron C., Durand J.L., Heth G., Patris B., Todrank J. (2005). Male-female associations and female olfactory neurogenesis with pair bonding in Mus spicilegus. Biol. J. Linn. Soc. 84:323-334
Bardet J., Kerhoas Essens D., Féron C., Gouat P. (2007) Evaluation of the social bond: A new method tested in Mus spicilegus, C. R. Biologies, 330:837-843.
Busquet N., Leveille Nizerolle C., Féron C. (2009) What Triggers Reproductive Life? Effects of adolescent cohabitation, social novelty and aggression in a monogamous mouse. Ethology, 115:87-95
Féron C., Gheusi G. (2003) Social regulation of reproduction in the female mound-builder mouse (Mus spicilegus). Physiol. Behav. 78:717–722
Féron C., Gouat P. (2007) Paternal care in the mound-building mouse reduces inter-litter intervals. Reprod. Fertil. Dev. 19(3):425-9
Patris B. Baudoin C. (1998) Female sexual preferences differ in Mus spicilegus and Mus musculus domesticus: the role of familiarization and sexual experience. Anim. Behav. 56:1465-1470
Gouat, P., Féron, C., Demouron, S. (2003) Seasonal reproduction and delayed sexual maturity in mound-building mice Mus spicilegus. Reproduction, Fertility and Development, 15, 187-195.
Un étudiant candidat devant être proposé aux organismes sollicités pour financement de cette thèse, une sélection des candidatures sera effectuée par le LEEC.