Structure d’accueil du Doctorant : ONCFS, CNERA Avifaune
Migratrice, et Centre de recherche de la Tour du Valat
Localisation : La Tour du Valat, Le Sambuc, Arles
Ecole Doctorale : SIBAGHE, Université Montpellier II
Directeur de thèse : Matthieu Guillemain ,
ONCFS, HDR
Co-directeur : Michel Gauthier-Clerc ,
Tour du Valat, HDR
Titre de la thèse : Influence des pratiques culturales
sur l’utilisation des rizières par les canards hivernants
DESCRIPTION DU PROJET :
Contexte Scientifique
Après avoir fortement fluctué au
cours des cinquante dernières années, la culture rizicole représente
aujourd’hui environ 20 000
hectares en France, presque exclusivement en Camargue.
Outre les revenus du riz proprement dits, il est nécessaire pour les
agriculteurs Camarguais de conduire des cultures en eau douce pour dessaler les
terres et ainsi pouvoir régulièrement cultiver du blé ou des oleo-protéagineux,
plus rentables économiquement. Les rizières constituent un habitat favorable
pour un grand nombre d’oiseaux d’eau, anatidés et laro-limicoles en particulier
en tant que halte migratoire, zone de reproduction ou site d’alimentation
hivernal. Dans ce dernier cas, l’itinéraire technique et les pratiques
culturales post-récolte influent très fortement sur la diversité, l’abondance
et l’accessibilité des ressources alimentaires pour les oiseaux, que ce soient
des résidus de récolte (grains de riz non ramassés par les moissonneuses), des
graines d’adventices ou des invertébrés. La culture en mode biologique peut
également avoir une incidence sur les quantités de ressources disponibles pour
les canards dans les rizières par rapport à la culture conventionnelle. Si les
agriculteurs peuvent être favorables à l’utilisation des rizières par les
oiseaux d’eau en période hivernale, parce que les rizières utilisées comme
gagnages peuvent alors devenir des territoires de chasse, ceci ne doit pas
contrarier leurs pratiques culturales et avoir des conséquences néfastes du
point de vue agronomique. Ainsi, pour des raisons agronomiques et économiques, les
riziculteurs Camarguais favorisent souvent le brûlage + le labour des parcelles
(ce qui permet de réduire d’abord la quantité de paille et balle de riz, puis
d’en favoriser la décomposition), alors que le labour automnal des parcelles
est une des techniques les moins favorables à l’utilisation des parcelles par
les oiseaux. Les exploitants craignent en effet que l’absence de labour à
l’automne rende la préparation des sols difficile au printemps, et qu’une
inondation prolongée puisse gêner l’entrée dans les parcelles non suffisamment
ressuyées au printemps pour les semis.
Pourtant, des alternatives
existent et sont pratiquées dans d’autres régions productrices de riz, comme
l’Amérique du Nord. Le brulage est en outre interdit dans la vallée centrale de
Californie, et c’est alors le roulage ou le disquage des parcelles suivi d’une
inondation longue, voire la seule inondation, qui sont privilégiés pour
favoriser la décomposition de la paille et limiter les adventices. Reconnaissant
que les rizières peuvent être des habitats favorables aux oiseaux d’eau, et de
fait à leur chasse, il semble possible de faire évoluer les pratiques pour
rendre les parcelles rizicoles Camarguaises plus attractives pour les oiseaux
d’eau. En réponse aux fluctuations des cours et aux incertitudes concernant
l’avenir de la pratique rizicole dans le cadre de la nouvelle PAC ,
certains propriétaires sont également tentés de reconvertir temporairement
leurs rizières en marais, afin de pouvoir tirer un revenu cynégétique à la
place d’un revenu agricole. Un frein à cette pratique est néanmoins la crainte
des exploitants concernant la capacité à revenir ensuite à la riziculture si
cela devenait plus intéressant (du fait du développement des adventices, etc).
Problématique du sujet de doctorat
Le contexte Camarguais décrit ci
dessus fournit des conditions favorables à la mise en place d’un programme de
recherche sur l’utilisation des rizières par les canards hivernants.
Ce projet a pour objectif général
de tester des pratiques post-récolte alternatives au brulage-labour traditionnel
Camarguais, en particulier via l’introduction d’une inondation hivernale des
parcelles, et d’en mesurer les conséquences en termes d’usage des parcelles par
les canards hivernants. Il est possible que certaines pratiques plus bénéfiques
en termes environnementaux (meilleure qualité de l’air si absence de brulage,
meilleure qualité de l’eau d’écoulement si inondation des parcelles, fourniture
d’habitat favorable à la faune sauvage) soient peu ou pas coûteuses en termes
agronomiques, le facteur limitant souvent annoncé étant le besoin de
retravailler au printemps le sol des parcelles non brulées-labourées. Ce projet
vise donc à appliquer un certain nombre de traitements post-récolte à des
parcelles échantillons, tels que inondation, labour, disquage et brulage, ainsi
que des combinaisons de ces traitements, et de mesurer les conséquences en
termes de disponibilité des ressources pour les oiseaux, fréquentation
(essentiellement nocturne) par les canards, et potentiel agronomique en plus de
rendement rizicole la saison suivante. Des transitions expérimentales
riziculture-marais-riziculture sont également envisagées pour évaluer l’intérêt
et les contraintes de telles pratiques. Il est raisonnable d’envisager que ce
programme permettra au
final de proposer des mesures de gestion spécifiques des
rizières favorables à l’avifaune, qui pourraient ultimement déboucher sur une
contractualisation des agriculteurs concernés, par exemple via la mise en place
de contrats type « agrifaune » ou de mesures agri environnementales
dans le cadre de la PAC ou de Natura 2000.
Cadre conceptuel de cette thèse
Ce projet s’inscrit dans la
continuité des travaux du CNERA Avifaune Migratrice de l’ONCFS sur les facteurs
régissant l’utilisation de l’espace et limitant potentiellement les populations
hivernantes d’Anatidés (Fouque et al. 2009), et sur les travaux de la Tour du
Valat concernant l’importance des rizières pour les oiseaux d’eau. Le rôle
limitant pour les canards des surfaces en habitats de gagnage nocturne a depuis
longtemps été mis en évidence (Duncan et al. 1999). Outre leur surface, la
distribution dans l’espace (en particulier par rapport aux sites de remise
diurne, Guillemain et al. 2008) et la qualité de ces habitats est également
prépondérante pour qu’ils soient utilisés par les oiseaux. Suivant la théorie
de l’approvisionnement optimal (e.g. Stephens & Krebs 1986), l’utilisation
d’un habitat est le résultat d’un compromis entre coût d’utilisation (distance,
risque encouru pendant son utilisation) et bénéfice espéré en termes d’énergie
acquise par unité de temps. Dans le cas présent, il est attendu que des
changements de pratiques post-récolte influent à la fois sur la disponibilité
de l’habitat (en fonction de son inondation ou non) et sur les quantités de
ressources alimentaires pouvant y être trouvées (Kross et al. 2008, Havens et
al. 2009), donc sur leur capacité d’accueil pour les Anatidés (Manley et al.
2004). Les travaux conduits en Amérique du Nord démontrent ainsi l’importance
des résidus de récolte pour les Anatidés (Greer et al. 2009, Stafford et al.
2010). De ce fait, les politiques de conservation des populations d’Anatidés
(« Joint Ventures ») s’appuient largement dans les régions de
production rizicoles (Californie, Vallée du Mississippi) sur une gestion
appropriée des parcelles afin de les rendre plus attractives pour les oiseaux.
Des bénéfices agronomiques à de telles pratiques sont également observés (par
exemple en termes de
décomposition de la paille, un des problèmes rencontrés par
les riziculteurs Camarguais ; Bird et al. 2000), de sorte que des bénéfices
mutuels pour la biodiversité et les agriculteurs peuvent être espérés de
pratiques culturales adaptées.
Questions de
recherche de ce travail de thèse :
1)
la disponibilité alimentaire pour les
canards hivernants dans les rizières en Camargue est elle différente en
fonction des pratiques culturales post récolte ?
Hypothèse : certaines
pratiques permettent de conserver plus de résidus de récolte ,
et de les rendre plus accessibles aux oiseaux hivernants. Certaines pratiques
sont plus favorables au développement de proies naturelles (invertébrés,
en particulier)
Prédiction : les
rizières inondées non brulées et non labourées contiennent plus de résidus de récolte
avant l’arrivée des canards hivernants. Les rizières conduites en agriculture
biologique hébergent plus de proies animales.
2)
les canards hivernants utilisent ils les
rizières comme gagnage nocturne si celles si fournissent des ressources
alimentaires suffisamment abondantes ?
Hypothèse : lorsque
les rizières sont cultivées de manière telle que des ressources alimentaires
sont accessibles (inondation) et abondantes (voir point 1 ci-dessus), ces
habitats seront utilisés par les canards hivernants de manière importante
Prédiction : les
rizières fournissant d’abondantes ressources alimentaires seront au moins
autant utilisées la nuit par les canards hivernants que les marais
traditionnels. Les ressources alimentaires diminueront plus vite au cours de l ’hiver dans
les zones effectivement plus utilisées par les canards (i.e. les oiseaux les
utilisent bien comme zones d’alimentation).
3)
cultiver les rizières de manière favorable
aux anatidés hivernants représente t il une perte en termes agronomiques et
donc un coût pour l’exploitant ?
Hypothèse : cultiver
les rizières afin de les rendre attractives pour les Anatidés représente un
coût (pompage d’eau, travaux de préparation au printemps), mais ceux-ci sont
compensés par l’utilisation des parcelles par les canards
Prédiction : la
fréquentation par les canards favorise la décomposition de la paille, limite la
prolifération d’adventices, et peut dans certains cas fournir un revenu par
l’activité cynégétique.
4)
est il possible de passer
régulièrement de la riziculture à l’exploitation de marais de chasse ?
Hypothèse : on sait
que les anciennes rizières abandonnées deviennent des marais attractifs pour
les anatidés, mais d’anciens marais pourraient aussi redevenir facilement des
rizières cultivées
Prédiction : la
gestion d’une parcelle en tant que marais de chasse (tout en conservant par
exemple l’infrastructure hydraulique) ne compromet pas le retour à la
riziculture de celle-ci, en particulier du point de vue du développement des
adventices.
MISE EN ŒUVRE DE LA THESE :
Sites d’étude
La Tour du Valat : le
domaine de la Tour du Valat contient à la fois une réserve naturelle (sur
laquelle sont implantées plusieurs remises diurnes de canards), une zone
chassée et des zones cultivées. Les parcelles rizicoles pourront être le lieu
d’expérimentations.
Les autres rizières
privées : plusieurs propriétaires privés, certains possédant de
très grandes exploitations agricoles, nous ont déjà signifié leur intérêt pour
ce projet et leur volonté d’y participer.
Environnement scientifique
Le doctorant travaillera
conjointement au sein de l ’ONCFS
avec Matthieu
Guillemain (ingénieur) et Jean-Baptiste Mouronval
(technicien supérieur), ayant tout deux conduit des recherches sur les
questions d’approvisionnement des Anatidés depuis 15 ans.
L’ONCFS et la Tour
du Valat, en particulier Michel Gauthier-Clerc , collaborent depuis 10
ans à des projets sur l’écologie des anatidés hivernants, et cette thèse
s’inscrira dans ce contexte.
Le Professeur Rick Kaminski de
l’Université de l’Etat du Mississippi et grand spécialiste des
relations entre Anatidés et riziculture (cf références en bas de ce projet),
nous a déjà fait part de son intérêt pour le projet.
Le volet « utilisation de
l’espace » s’appuiera sur l’utilisation d’enregistreurs GPS, déjà acquis
dans le cadre d’une collaboration avec le Professeur Johan Elmberg de l’Université de
Kristianstad (Suède) et Yan Ropert-Coudert de l’Institut
Pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS-Strasbourg).
Données à recueillir par le doctorant ou des stagiaires :
Abondance de ressources
alimentaires dans les parcelles rizicoles en fonction des pratiques
culturales (ainsi que de l’histoire de la parcelle): carottages réguliers
pour estimer l’abondance des graines dans le sédiment et l’évolution de
celle-ci au cours de l ’hiver.
Utilisation des parcelles
rizicoles par les canards hivernants : recensements nocturnes (à l’aide
d’un amplificateur de lumière) et suivi d’oiseaux équipés de GPS.
Bourse :
Une bourse de thèse de 1631 € brut
par mois sera versée par l’ONCFS au doctorant pendant une
durée de 3 ans.
Connaissances et compétences requises :
Le/la candidat(e) aura une
formation solide en écologie, si possible complétée par de bonnes connaissances
en agronomie, et un intérêt particulier pour l’écologie alimentaire et l’utilisation
de l’espace par la faune sauvage. Des compétences avérées en analyse de données
sont requises. Le goût pour le travail de terrain, y compris en conditions
difficiles (comptages de nuit en hiver) est absolument nécessaire, ainsi que
celui du contact avec différentes catégories socioprofessionnelles
(agriculteurs, chasseurs, gestionnaires d’espaces protégés). Outre le travail
de terrain pour leur collecte, l’étudiant(e) aura en charge le tri et l’analyse
des prélèvements en laboratoire.
La Tour du Valat est un espace
naturel au milieu de la Camargue. Elle fournit donc un cadre agréable pour des
naturalistes, mais demande aussi un goût marqué pour la vie en communauté
isolée. Le permis de conduire est absolument obligatoire.
Contacts :
Les dossiers de candidature (CV
détaillé plus lettre de motivation) doivent être adressés conjointement à
Matthieu Guillemain (matthieu.guillemain@oncfs.gouv.fr)
et Michel Gauthier-Clerc (gauthier-clerc@tourduvalat.org),
impérativement
avant le 29 Juillet 2012.
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