1. Responsables scientifiques
- Sébastien Mouret (Sociologue, INRA, UMR Innovation, Montpellier SupAgro)
- Jérôme Michalon (Sociologue, Environnement, Ville, Sociétés (UMR 5600)/Centre Max Weber (UMR 5283))
Contacts : mouret_s@hotmail.com ; jerome.michalon@gmail.com
Entités organisatrices : Association « Imaginaires et Pratiques des Relations »
AnthropoZoologiques » IPRAZ et le groupe de recherche Animal’s Lab.
Partenaires : Fondation Adrienne & Pierre Sommer et l’Observatoire CNIEL des Habitudes Alimentaires.
2. Enjeux et objectifs du séminaire
Comment vivre ensemble entre humains et animaux ? La question de savoir comment changer nos rapports aux animaux de manière à ce que ceux-ci ne soient plus seulement considérés comme de simples moyens mais aussi comme des fins, suscite un intérêt croissant tant de la part de la communauté scientifique, que du grand public. Les réponses à cette question éthique et politique peuvent se formuler au travers d’un travail empirique d’exploration et de compréhension des relations que les humains entretiennent avec des animaux, afin de rendre compte de leur histoire, leur diversité et leur complexité. Si celles-ci sont marquées par la violence, l’indifférence, le mépris et l’abandon, elles sont aussi faites de plaisir, l’épanouissement, d’amour, de confiance, de respect et d’intelligence pour les humains comme pour les animaux. En ce sens, elles représentent donc une ressource pour penser les modalités d’un monde commun entre humains et animaux, et clarifier les conditions qui rendent possible ou empêchent son existence.
Longtemps appréciée pour son « exotisme », l’étude des relations entre humains et animaux fait aujourd’hui place à un intérêt sérieux et fécond de la part de sociologues. Leurs travaux se sont appuyés, entre autres, sur le renouvellement de la division ontologique classique personnes/objets par celle d’humains/non humains, initié par la sociologie pragmatiste. Ces recherches contribuent au développement, en France, d’un champ de recherches en sciences humaines et sociales encore balbutiant, à la différence de ce que les Anglo-saxons nomment Animal Studies, dont les recherches sont structurées sous la forme d’une communauté pluridisciplinaire où le souci éthique vis-à-vis de l’animal occupe une place centrale. Il nous semble aujourd’hui nécessaire et important, d’une part, d’éclairer le peu d’intérêt porté par la sociologie à la présence d’animaux dans la vie sociale des humains et, d’autre part, de proposer de nouvelles distinctions théoriques et nouveaux outils conceptuels et méthodologiques permettant de saisir le sens et l’importance de la socialité entre humains et animaux. Sur ces deux points, la notion « d’animaux de compagnie » appelle une attention particulière.
Le séminaire aura un double objectif : (1) dresser un état des lieux des recherches sociologiques et historiques autour de l’animal de compagnie, mais également autour de la notion même d’animal de compagnie ; (2) déplier les perspectives que nous offrent différents travaux sur les relations entre humains et animaux pour mieux penser le terme de « compagnie », voire le redéfinir.
2.1 Qu’est ce qu’un « animal de compagnie » ?
Une partie de ce séminaire sera consacrée à la recension et à l’analyse des travaux ayant traité de « l’animal de compagnie » en sociologie et en anthropologie. Il s’agira de voir quels propos ont été tenus sur la relation de compagnie entre les humains et les animaux, mais aussi et surtout de préciser les contours qui ont été retenus par les chercheurs pour définir cette relation « de compagnie ». Quelles espèces animales ont été désignées sous le vocable « de compagnie » ? A quels groupes sociaux a-t-on associé la relation de compagnie ? La notion « animal de compagnie » en elle-même fera l’objet d’une généalogie : à partir de quelle période ce terme est-il utilisé ? Par qui ? Dans quels espaces linguistiques ? Est-ce que les sens qu’il revêt dans différentes langues sont équivalents ? Il faudra donc prendre en compte l’instabilité de la notion au niveau diachronique et au niveau synchronique : par exemple, pourquoi l’ « animal de compagnie » est-il préféré à l’ « animal familier » ? Outre ce travail sur les catégories, il sera question d’évoquer les postures de recherche qui ont été mobilisés pour appréhender l’objet « animal de compagnie ». Si, de prime abord, les approches critiques et/ou normatives semblent avoir dominé le champ, notamment dans le monde francophone, nous nous attacherons à identifier d’autres perspectives, peut être plus compréhensives. D’autre part, les méthodologies mises en oeuvre pour appréhender la relation de compagnie seront examinées. Dans ce premier axe, on cherchera ainsi à examiner de manière rétrospective la relation de compagnie : qu’est-ce qui a fait que cette relation a été identifiée, délimitée et souvent désignée comme un problème, le symptôme d’une certaine décadence du monde occidental ? Mais l’approche sera également prospective dans la mesure où on tentera de proposer d’autres terminologies, permettant de rendre mieux compte de certains enjeux de la relation de compagnie, occultées par les perspectives critiques.
2.2 Au-delà de la compagnie : vers les « espèces compagnes » ?
Le second axe de ce séminaire part de la proposition formulée par Donna Haraway dans son Manifeste des espèces de compagnie quant à la manière d’appréhender les relations anthropozoologiques dans nos sociétés contemporaines, et de répondre aux enjeux ontologiques, éthiques et politiques qui les traversent : comprendre la genèse, la transformation, la complexité et la richesse de ces relations sous la figure – et la catégorie - d’« espèce de compagnie ». Ce traité de biosocialité et de biopouvoir nous invite à voir et penser les relations entre humains et animaux, comme une longue histoire biosociale de relations de compagnonnage. Pour Haraway, il est possible de déceler du « compagnonnage », plus que de la « compagnie », dans presque toutes les relations à l’animal, à condition d’y prêter attention.
Toutefois, il ne s’agit pas dans ce séminaire, et par les communications qui y seront présentées, de proclamer l’adoption ipso facto de cette proposition issue de la philosophie, et d’envisager de suite, sans examen et discussion préalables, la mobilisation dans une réflexion sociologique. Au contraire, ce séminaire a pour visée principale d’apprécier la valeur heuristique de la figure « d’espèces compagnes », dans une réflexion prenant à la fois comme unité d’analyse les relations, ainsi que les êtres qui en sont les principaux objets, à savoir les animaux et les humains. Autrement dit, il s’agit ici de mettre en évidence la fécondité et la portée de cette proposition sur le plan de l’analyse sociologique, tout en soulignant les difficultés que soulèvent sa traduction et sa déclinaison dans ce champ disciplinaire, et les impasses auxquelles son usage peut conduire.
Pour démarrer cette discussion, et définir les principales orientations de ce séminaire, il nous semble que la notion « d’espèces compagnes » opère bien plus qu’un redécoupage, voire une refonte des catégories courantes qui sont mobilisées pour classifier les espèces animales présentes dans la vie sociale des humains : les animaux « sauvages », « d’élevage », « de compagnie », « d’expérimentation » etc. Les « espèces de compagnie » peuvent être vues comme des formes particulières « naturecultures », autrement dit d’intrication et d’entrelacs de la « nature » et de la « culture ». Fondée sur un refus du partage entre les catégories de « nature » et de « culture », « l’espèce de compagnie » désigne et regroupe à la fois de multiples modalités d’association entre humains et animaux, qu’il convient de clarifier à travers différentes dimensions d’analyse : la coévolution, la cohabitation et la socialité interspécifique. Ces trois dimensions appellent selon nous à une attention particulière, car elles permettent d’interroger la pensée sociologique sur ses rapports avec la biologie et l’éthologie ; sa réflexion sur la morale ; et ses façons de définir et de reconnaître un lien social véritable. En ce sens, elle permet de clarifier comment la sociologie peut saisir la présence d’espèces animales dans la vie sociale des humains, et donc s’ouvrir plus largement à la « question animale » et pour peser dans ce débat.
3. Programmation du séminaire 2015
Le séminaire se déroulera sous la forme de séances mensuelles au cours de l’année universitaire 2015. Au cours de chaque séance, les communications des intervenants seront mises en discussion. Le séminaire suit une approche pluridisciplinaire. La plupart des intervenants choisis développent des approches scientifiques des relations entre humains et animaux qui se situent à la frontière entre sciences sociales (sociologie, anthropologie, philosophie) et sciences de la vie (biologie, éthologie).
Programme
- 12 Janvier 2015 : Introduction à la catégorie "animal de compagnie"
Intervenants : J.P. Digard (Anthropologue / CNRS) et J. Porcher (Sociologue / INRA)
14 h – 17 h
Lieu : Salle Chopin/Debussy - CNIEL - 42 rue de Châteaudun 75314 Paris.
- 27 Février 2015 : Accompagner les humains : un travail de soin des animaux
Intervenants : J. Michalon (Sociologue / Centre Max Weber) et C. Mondémé (Linguiste / GEMASS)
14 h – 17 h
Lieu : AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard - Paris
- 13 Mars 2015 : L’animal de travail : un animal de compagnie ?
Intervenants : E. Baratay (Historien / Université de Lyon) et N. Lainé (Anthropologue / LESC)
14 h – 17 h
Lieu : Salle Chopin/Debussy - CNIEL - 42 rue de Châteaudun 75314 Paris.
- 10 Avril 2015 : L’animal de compagnie : entre nature et culture
Intervenants : D. Guillo (Sociologue / CNRS) et M. Kreutzer (Éthologue / Université Paris 10)
14 h – 17 h
Paris. Le lieu sera précisé ultérieurement
- 22 Mai 2015 : Soins vétérinaires et « pathologies » de la compagnie
Intervenants : P. Fritsch (Sociologue) et T. Bedossa (Vétérinaire)
14 h – 17 h
Paris. Le lieu sera précisé ultérieurement.
- 19 Juin 2015 : L’agression et compagnie : une antinomie ?
Intervenants : S. Mouret (Sociologue / INRA) et Christophe Blanchard
(Sociologue/Université Paris XIII)
14 h – 17 h.
Paris. Le lieu sera précisé ultérieurement