Mécanismes à l'origine de l'évaluation des quantités chez les abeilles
Laboratoire d’accueil
Centre de Recherches sur la Cognition Animale (CRCA) – Centre de Biologie Intégrative
Campus Université Toulouse 3
https://crca.cbi-toulouse.fr/
Domaine : Cognition Animale
Encadrante
Dr. Aurore Avarguès-Weber (Chercheuse CNRS au CRCA), HDR.
Dans le domaine de l’Ethologie Cognitive, les recherches d’A. Avarguès-Weber ont été saluées par
l’obtention de la médaille de bronze du CNRS et le prix international Rising Talent du programme
Women in Science (Fondation l’Oréal/UNESCO). Elle a encadré avec succès 4 doctorats qui ont donné
lieu à plusieurs publications dans des journaux à comité de lecture pour chacun d’entre eux. Elle a une
cinquantaine de publications scientifiques (1960 citations – H factor:25) dont des publications dans
Science, PNAS, Current Biology...
Informations pratiques
Date limite de candidature : 28 mai 2022
Début de doctorat : Septembre 2022
Financement : A acquérir via le concours de l’école doctorale BSB de Toulouse (date limite de
candidature : 17 juin 2022 – Résultats mi-juillet 2022) :
https://www.adum.fr/as/ed/page.pl?site=edbsb&page=concours
Contact : Aurore Avarguès-Weber : aurore.avargues-weber@univ-tlse3.fr
Description du projet
Savoir évaluer des quantités est une capacité utile dans de nombreuses situations, pour choisir la
meilleure source de nourriture ou évaluer le rapport de force dans un contexte de compétition par
exemple. Cette capacité semble d’ailleurs très largement répandue au sein des Vertébrés, des poissons
aux primates.
Au sein des Invertébrés, des études pionnières chez les abeilles ont démontré une capacité à
dénombrer un nombre de repères visuels à franchir avant d’atteindre une source de nourriture ou à
reconnaître un nombre donné d’objets dans une image. Dans ces deux cas, les abeilles peuvent
reconnaître un même nombre indépendamment des propriétés des objets ou autres caractéristiques
des images comme la densité ou la surface cumulée des objets. Cette capacité d’abstraction du nombre
est en effet indispensable pour conclure sur l’existence d’un sens du nombre. Cette découverte
inattendue chez un insecte interroge sur une potentielle universalité des mécanismes sous -jacents.
En effet, en raison de leur distance évolutive avec les mammifères, les abeilles ont développé leurs capacités cognitives de façon totalement indépendantes de celles des Vertébrés. Bien que ces espèces aient hérité de systèmes nerveux basés sur les neurones, leurs organisations cérébrales et leurs systèmes de perception sont très divergents, même sans tenir compte de la différence massive de taille du cerveau.
Avec ce projet de doctorat, nous visons à disséquer les mécanismes de traitement numérique par les abeilles afin d'évaluer dans quelle mesure différentes histoires évolutives ont convergé vers des options similaires probablement optimales ou si les abeilles auraient pu développer des mécanismes plus simples en raison de limitations computationnelles et de besoins plus limités en terme de traitement des nombres mais avec des gains d'efficacité potentiels par rapport à la sophistication du système des vertébrés supérieurs, ce qui pourrait être une source d'inspiration pour les domaines de l’intelligence artificielle et la robotique.
Le projet répondra à trois questions principales :
1. Les abeilles possèdent-elles un double mécanisme pour traiter les petits et les grands nombres ?
La plupart des études sur les Vertébrés ont suggéré l'existence de deux systèmes pour traiter les quantités : un système précis pour les quantités jusqu'à 4 ou 5 éléments (Object File System OFS), et un système approximatif pour les quantités plus importantes (système de nombre approximatif, ou ANS).Il existe en effet des preuves évidentes d'une discontinuité dans les performances avec une reconnaissance rapide et précise des petits nombres et un taux d'erreur croissant pour un plus grand nombre d'éléments selon une échelle logarithmique et suivant la loi de Weber. Les abeilles possèdent un équivalent de l'OFS avec un seuil similaire à 5 éléments, mais aucune étude n'a jusqu'à présent testé si la capacité des abeilles à discriminer de plus grandes quantités suivrait également la loi de Weber.
2. L’utilisation d’une représentation abstraite des nombres domine-elle les autres paramètres non-numériques lors du traitement de petites quantités chez les abeilles ?
Les quantités peuvent être jugées à l'aide d'indices non numériques tels que la surface totale, le poids total, le périmètre ou la quantité de mouvement, etc. Il est maintenant bien établi que les abeilles peuvent traiter le nombre indépendamment des autres propriétés visuelles. Cependant, s'appuyer sur des indices non numériques en plus des informations numériques pourrait faciliter une discrimination efficace des quantités dans des contextes écologiques naturels. Comme il est supposé moins exigeant sur le plan cognitif, un rôle prédominant de ces paramètres dans l'estimation des quantités pourrait être particulièrement attendu chez les insectes.
3. Les abeilles doivent-elles inspecter séquentiellement les objets à compter ou peuvent-elles les énumérer d'un coup d'oeil ?
Chez les vertébrés, l’OFS qui permet de juger avec précision des quantités inférieures à 5 en un coup d'oeil, est considéré comme ayant évolué pour garder une trace simultanée des objets dans notre environnement (par exemple, congénères, proies…), différant ainsi de l'énumération d'ensembles plus grands, moins précis nécessitant des stratégies de comptage séquentiel. Chez les abeilles, il a été proposé que l'estimation de la numéroté repose sur une inspection séquentielle des différents objets, même lorsqu'ils sont présentés tous ensemble sur une image. En effet, les abeilles présentent naturellement un comportement de 'scanning' lorsqu'elles sont confrontées à des objets visuels inconnus consistant à voler immobile devant chaque objet et en particulier à leur périphérie (suivant les contrastes). Déterminer si les abeilles n'ont accès qu'aux quantités via le balayage séquentiel et le retour moteur reste néanmoins à tester correctement.
Profil recherché
Le ou la candidate peut être issu.e d'une formation en éthologie, neuroscience ou en psychologie et faire preuve d'un intérêt pour la cognition animale. Ce projet implique une forte charge de travail en été et nécessite une importante rigueur expérimentale. La maîtrise de l’anglais et de bonnes capacités de communication seront fortement appréciées. Des séjours en Australie (Melbourne) pourront être envisagés pour bénéficier de saisons d’expérimentation supplémentaires.