Thèse financée par l’IDEX de Toulouse (3 ans) en
Ecologie évolutive/Génétique quantitative sur ongulés sauvages. Base génétique d’un succès écologique : la colonisation des agrosystèmes par le chevreuil européen (Capreolus capreolus)
Laboratoire d’accueil: UR035 Comportement et Ecologie de la Faune Sauvage (INRA, Toulouse)
Descriptif de l’encadrement :
La thèse sera co-encadré par Erwan Quéméré (Chargé de recherche, INRA, CEFS, Toulouse) et Benoit Pujol (HDR, CR CNRS, EDB, Toulouse). Elle sera également suivie par Mark Hewison, Nicolas Morellet (CEFS) et Joséphine Pemberton (IEB Edinburgh), partenaires du projet.
Résumé du sujet de thèse (find below the abstract in English):
La persistance des populations naturelles dans les habitats gérés par l’Homme dépend des réponses comportementales que les individus mettent en place pour gérer les compromis entre l’acquisition des ressources alimentaires et l’évitement des risques (ex : collision, prédation, chasse, parasites). Un enjeu important est de caractériser les mécanismes évolutifs qui sous-tendent ces réponses : Il faut établir si elles sont inscrites de manière pérenne dans le patrimoine génétique des animaux (réponse micro-évolutive) ou s’il s’agit de réponses directes à l’environnement n’impliquant pas la variabilité génétique (plasticité phénotypique). Dans le cadre de cette étude, nous étudierons une population de chevreuils (Capreolus capreolus) évoluant dans un paysage agricole hétérogène composés de haies, bosquets (habitats refuges), prairies et cultures (où sont présents nourritures de qualité et risques). Cette population présente une importante variabilité comportementale marquée par la présence de tactiques individuelles de gestion du compromis acquisition des ressources/évitement des risques qui reflètent la sensibilité au stress des individus. En combinant des approches d’écologie spatiale, comportementale, de génétique quantitative et des données de génomique, ce projet vise à évaluer (i) l’architecture génétique de ces tactiques comportementales (ii) les corrélations génétiques entre les différents de traits de mouvement, d’occupation de l’espace et de vigilance impliqués dans ces tactiques de réponse (présence de syndromes comportementaux) et (iii) les corrélations génétiques entre ces tactiques et l’état physiologique et immunitaire des individus.
Une version détaillée du projet, des équipes impliquées et du plan de la thèse est décrite ci-dessous.
Profil du candidat : Nous recherchons un(e) candidate avec un excellent dossier académique et de bonnes connaissances en écologie évolutive et en statistiques. Une expérience de génétique quantitative (utilisation du modèle animal) serait bienvenue.
Pour postuler : La thèse débutera en octobre 2016. Les dossiers de candidatures, comprenant un CV, une lettre de motivation, les bulletins de notes de Master 1 et 2 (provisoire), et un ou deux contacts susceptibles de donner un avis sur le candidat devront être adressés à Erwan Quéméré (erwan.quemere@toulouse.inra.fr) et Benoit Pujol (benoit.pujol@univ-tlse3.fr).
Pour plus d’information : Erwan Quéméré ; Tél : +33 (0) 5 61 28 54 97.
Scientific abstract
The persistence of wild populations living in human-dominated landscapes rely on the behavioral responses that individuals use to manage trade-off between the acquisition of food and the risk avoidance (e.g. collision, predation, hunting, parasites). An important issue is to identify the evolutionary mechanisms underpinning these responses to establish whether they are partly genetically determined (micro-evolutionary response) or only driven by environment (phenotypic plasticity). In this project, we study a roe deer population (Capreolus capreolus) inhabiting a heterogeneous agricultural landscape covered by a mosaic of woodland fragments, hedges (refuge habitats), meadows and crops (where both quality food and risks coexist). This population show a large behavioral variation characterized by the presence of individuals tactics to manage the trade-off of resources and risks. By using approach in spatial and behavioral ecology, quantitative genetics and genomic data (to establish relatedness among individuals), this project aim to assess (i) the genetic architecture of these individual behavioral tactics, (ii) the genetic correlation between the different traits of movement, space use and vigilance involved in these response tactics (i.e. presence of behavioral syndrome) and (iii) the genetic correlation between the tactics and the immunological and physiological state of individuals.
Présentation détaillée du projet « GENEMOV » Base génétique d’un succès écologique : la colonisation des agrosystèmes par le chevreuil européen (Capreolus capreolus)
I. Présentation du projet
Résumé du projet.
La persistance des populations naturelles dans les habitats gérés par l’Homme dépend des réponses comportementales que les individus mettent en place pour gérer les compromis entre l’acquisition des ressources nutritives et l’évitement des risques (ex : collision, prédation, chasse, parasites). Un enjeu important est de caractériser les mécanismes évolutifs qui sous-tendent ces réponses : Il faut établir si elles sont inscrites de manière pérenne dans le patrimoine génétique des animaux (réponse micro-évolutive) ou s’il s’agit de réponses directes à l’environnement n’impliquant pas la variabilité génétique (plasticité phénotypique). Dans le cadre de cette étude, nous étudierons une population de chevreuils (Capreolus capreolus) évoluant dans un paysage agricole hétérogène composés de haies, bosquets (habitats refuges), prairies et cultures (où sont présents nourritures de qualité et risques). Cette population présente une importante variabilité comportementale marquée par la présence de tactiques individuelles de gestion du compromis acquisition des ressources/évitement des risques qui reflètent la sensibilité au stress des individus. En combinant des approches d’écologie spatiale, comportementale, de génomique et de génétique quantitative, ce projet vise à évaluer (i) l’architecture génétique de ces tactiques comportementales (ii) les corrélations génétiques entre les différents de traits de mouvement, d’occupation de l’espace et de vigilance impliqués dans ces tactiques de réponse (présence de syndromes comportementaux) et (iii) les corrélations génétiques entre ces tactiques et l’état physiologique et immunitaire des individus.
Motivations du projet
Comprendre les mécanismes écologiques et évolutifs qui sous-tendent l’adaptation des espèces au changement climatique et aux modifications de l’usage des sols est un enjeu majeur de l’écologie. L’intensification des pratiques agricoles a modifié les habitats naturels, conduisant à une augmentation de l’hétérogénéité des ressources et des risques encourus par la faune sauvage. Alors que les activités humaines ont réduit la qualité/quantité des ressources dans les habitats refuges [1], les ressources nutritives de qualité se concentrent désormais dans les habitats les plus risqués en termes de prédation/chasse, collision ou exposition aux parasites [2]. Dans ce contexte, la persistance des populations sauvages dépend des réponses comportementales que les individus mettent en place pour gérer les compromis entre l’acquisition des ressources et l’évitement des risques [3] et éviter l’accumulation de stress [4]. Afin de prédire la capacité des populations à persister durablement dans les habitats modifiés et gérés par l’Homme, un des enjeux est de caractériser le potentiel évolutif de ces réponses comportementales et donc des traits de mouvement, d’occupation de l’espace et/ou de vigilance qui sont impliqués dans ces réponses. Autrement dit, Il nous faut établir si ces réponses sont inscrites de manière pérenne dans le
patrimoine génétique des animaux sauvages et peuvent donc évoluer sur le long terme en réponse à la sélection naturelle ou s’il s’agit de réponses directes et rapides à l’environnement n’impliquant pas la variabilité génétique (plasticité phénotypique).
Dans le cadre de ce projet, nous nous intéressons au chevreuil européen (Capreolus capreolus), une espèce d’ongulé sauvage à fort intérêt écologique en tant qu’ingénieur des écosystèmes et économique (chasse, impact sur les cultures, diffusion de maladies). Cette espèce a vu ses effectifs augmenter considérablement un peu partout en Europe ces dernières décennies [5]. Initialement forestier, le chevreuil a colonisé tous les paysages (plaines, garrigue, montagne) et prolifère dans les paysages agricoles mixtes. Dans ce type de paysage hétérogène composé de mosaïques de prairies, cultures et bosquets, le chevreuil présente une importante variabilité comportementale [6].
Un chevreuil au milieu d’une culture sur le site d’étude (photo de Bruno Lourtet, CEFS)
Les données indirectes (suivi GPS) et directes (observations du comportement anti-prédateur) de chevreuils en agrosystème ont révélé la présence de tactiques individuelles de mouvement et d’occupation de l’espace qui traduisent la manière dont les individus interagissent avec l’environnement et gèrent les compromis entre l’évitement des risques (chasse, prédation, parasitisme) et l’acquisition des ressources *7,8]. Ces tactiques sont en partie conditionnées par le profil comportemental et physiologique des individus [9-11]. Par exemple, les individus les moins sensibles au stress utilisent d’avantage les milieux ouverts de jour, plus risqués où ils bénéficient d’une alimentation plus riche mais doivent ainsi passer plus de leur temps en vigilance *10+. L’ensemble de ces connaissances garantissent la faisabilité de ce projet et font de cette population de chevreuil en agrosystème un système idéal pour étudier la réponse comportementale des animaux sauvages aux modifications anthropiques des habitats et les mécanismes évolutifs sous-jacents (réponse plastique et/ou micro-évolutive).
[1] Forman et al 2002 Env Management [2] Mysterud et al 1999 Can J Zool [3] Martin & Réale 2008 Beh Process [4] Koolhass et al 2007 Bran Beh EVol [5] Apollonio et al. 2010 « European ungulates and their management in the 21st century » [6] Hewison et al 2001 Can J Zool [7] Bonnot et al 2013 Eur J Wildl Res [8] Monestier et al 2016 submit [9] Benhaiem et al 2008 Animal Beh *10+ Bonnot et al 2015 Beh Ecol *11+ Monestier et al “Consistent individuals’ behavioral response during an acute stress in a large ungulate” in prep
Objectifs
Ce projet vise à évaluer l’architecture génétique des tactiques individuelles de gestion du compromis « évitement du risque/acquisition des ressources » d’une population de chevreuils évoluant dans en
agrosystème au coeur de notre région sur le site atelier des coteaux de Gascogne en Haute-Garonne. Le comportement de cette population est suivi de façon intensive depuis une quinzaine d’années. L’étude portera sur un ensemble de traits de mouvement et d’occupation de l’espace qui sont impliqués dans la gestion de ce compromis et mesurés grâce aux suivis GPS des individus comme par ex : la probabilité de présence d’un chevreuil en milieu ouvert (alimentation riche) /boisé (valeur refuge) [7], la surface de son domaine vital [12], sa vitesse de mouvement ou encore son niveau d’activité dans les différents types d’habitats.
L’une des originalités de ce projet sera l’utilisation de données génomiques qui permettront d’estimer l’apparentement génétique entre chaque paire d’individus. A l’aide de cette approche innovante, nous pourrons estimer les paramètres de génétique quantitative adéquats des traits sans la nécessité d’un pedigree *13+.
AXE 1 - Mouvements et d’occupation de l’espace : caractères génétiques ou plastiques ?
Nous déterminerons la part de variabilité des caractères expliqués par les gènes (héritabilité) et par l’environnement (effet maternel, type d’habitat, variables saisonnière) à l’aide d’une approche de génétique quantitative (utilisation du modèle animal) [14].
AXE 2 – Corrélations génétiques entre caractères : contraintes ou opportunité pour l’évolution des tactiques comportementales des chevreuils ?
Des modèles animaux bivariés nous permettront d’évaluer les corrélations environnementales et génétiques entre chaque paire de caractères. Les corrélations positives renforcent l’évolution conjointe des caractères alors que les corrélations négatives illustrent des contraintes entre caractères. Ces corrélations, non visibles à l’échelle phénotypique, peuvent respectivement accélérer ou freiner l’évolution des traits *15+.
AXE 3 - Est-ce que les tactiques de gestion du compromis risques/ressources sont corrélés génétiquement aux profils comportementaux et physiologiques des individus ?
Des travaux précédents ont mis en évidence l’existence de profils de « personnalité » chez le chevreuil [16,17] : les individus qui ont la plus forte réponse au stress (lors de la capture) sont aussi ceux qui sont les plus vigilants et les plus actifs en milieu ouvert. Ces syndromes comportementaux *18+ que l’on qualifie de « personnalité » sont répétables dans le temps, liés à l’état physiologique (réponse au stress) et immunitaire des individus et influencent leur choix d’habitat [7,17]. L’objectif ici est savoir si ces syndromes observés à l’échelle phénotypique ont une base génétique ou résultent uniquement d’un effet conjoint de l’environnement sur les différents traits. Autrement dit, il s’agit de savoir si le mouvement et l’’occupation de l’espace des chevreuils sont en partie déterminés génétiquement par le profil comportemental/physiologique des individus.
[13] Bérénos et al 2014 Mol Ecol [14] Falconer Mackay 1996 Introduction to quantitative genetics [15] Kruuk et al 2008 Ann Rev Ecol, Evol) [16] Debeffe et al 2014 Proc R Soc B [17] Monestier et al 2015 Beh Ecol [18] Sih et al 2004 Trend Ecol Evol.
Position par rapport aux travaux en cours
Ancrage local et national
Cette étude s’inscrit parfaitement dans le projet collectif du laboratoire CEFS qui est centré sur le rôle de l’hétérogénéité interindividuelle du comportement sur le fonctionnement des populations
d’ongulés sauvages. La mise en évidence de syndromes comportementaux chez le chevreuil et leur lien avec l’occupation de l’espace et l’histoire de vie des individus est une thématique majeure du laboratoire. Cette étude propose d’offrir un éclairage évolutif à ces questions afin de pouvoir prédire de pouvoir prédire l’évolution de ces syndromes chez les animaux sauvages. Dans le cadre du laboratoire EDB, ces travaux s’insèrent parfaitement dans l’équipe PRADA qui étudie la capacité d’adaptation des populations animales et végétales et le lien de cette capacité avec le comportement chez les animaux. Sur le plan national, cette étude est parfaitement cohérente avec les objectifs du métaprogramme INRA ACCAF « Adaptation de l’Agriculture et de la forêt au Changement climatique ». A l’échelle inter-instituts, il s’agit d’une thématique prioritaire : « Adaptation en milieu Hétérogène » du groupe national de recherche de « génétique quantitative dans les populations naturelles » (GDR GQPN) piloté par Benoit Pujol, co-encadrant de cette thèse.
Positionnement vis-à-vis de l’état de l’art et de la bibliographie
Les syndromes comportementaux, l’adaptation des populations naturelles au changement global et le déterminisme génétique et environnemental des caractères complexes sont trois thématiques très productives et dynamiques de la recherche scientifique internationale. Il ne fait aucun doute que notre projet à l’interface de ces thématiques sera reçu très positivement par la communauté scientifique. Ce projet est également novateur sur le plan méthodologique car il propose d’utiliser pour la première fois des données comportementales et génomiques de haute précision sur une même population. Les études de génétiques quantitatives menées sur des populations naturelles *19+ sont pour l’instant limitées à quelques groupes taxonomiques *20+. La plupart de ces études portent sur le déterminisme de traits morphologiques ou d’histoire de vie chez des populations suivies sur le long terme et qui, pour des raisons de conservation, ont été isolées de l’action de l’homme depuis plusieurs décennies. Malgré l’amélioration des technologies de suivi à distance des individus (miniaturisation, plus grande simplicité et autonomie des colliers GPS), un nombre très limité d’études se sont intéressées à la génétique du comportement spatial dans les populations naturelles [20-22]. Il existe plusieurs travaux théoriques sur les conséquences écologiques et évolutives des syndromes comportementaux [23-24] notamment en termes de gestion des compromis spatiaux entre croissance et survie [25] mais très peu de démonstrations empiriques [26-28]. Dans ces quelques travaux, les auteurs explorent les conséquences de la personnalité sur la spécialisation de niche des individus mais sans faire le lien explicitement avec leur comportement spatial ou anti-prédateur *29+. Ce nombre limité d’études sur la génétique du comportement spatial est dû en partie à la difficulté d’obtenir des données de mouvement et d’apparentement pour une nombre d’individus suffisamment important (plusieurs centaines) pour estimer avec précision les paramètres de génétique quantitative. Notre projet permettra donc un saut conceptuel en testant empiriquement des hypothèses généralement explorées théoriquement.
[19 ] Charmantier et al 2014 Quantitative genetics in the wild [20] Pemberton 2008 Proc R Soc B [20] Delmore et al 2015 Sci Rep [21] Delmore et al 2015 Mol Ecol [22] Northup et al 2014 Evol Appl [23] Dingemanse & Wolf 2010 Philos Trans R Soc Lon B Biol Sci [24] Wolf & Weissing 2010 Philos Trans R Soc Lon B Biol Sci [25] Stamps 2007 Ecol Letters [26] Dingemanse & Réale 2005 Behaviour [27] Boon et al 2007 Ecol Letters [28] Boon et al 2008 Oikos [29] Shafer et la 2016 Plos Biol
Plan de réalisation
Dans le cadre de ce projet, nous étudierons la population de chevreuils du site atelier des coteaux de Gascogne) (7500 ha) qui évolue naturellement dans un habitat hétérogène composé d’une mosaïque
de lambeaux forestier, petits bois, terrains cultivés et prairies plus ou moins bordées de haies. L’étude portera sur 330 individus capturés entre 2004 et 2014 dans plusieurs secteurs de cette zone, qui varient en termes de proportion d’habitat boisé ou ouvert *30+. Chaque individu a été sexé, âgé, mesuré, pesé et a fait l’objet de prélèvements de sang et fèces pour déterminer son état parasitaire, physiologique et immunitaire [31,32]. Une note de réponse au stress (sur un gradient proactif-réactif) a également été attribuée en fonction du comportement lors de la capture *33+ ainsi qu’un score de vigilance à partir d’observations directes (distance de fuite, etc.). Enfin, chacun de ces individus a été équipé d’un collier GPS ou VHF pendant un an ou plus afin d’étudier ses mouvements et son occupation de l’espace *34+.
Carte du site d’étude illustrant l’hétérogénéité du paysage. Les deux grands massifs forestiers et les zones boisées sont figurés en noirs. Les zones ouvertes (cultures, prairies) sont représentées en blanc.
Des outils génomiques (>10 000 SNPs répartis sur l’ensemble du génome) ont été développés pour ces mêmes 330 animaux (approche de génotypage par séquençage RADseq). Les données ainsi générées seront utilisées pour calculer une distance génétique d’apparentement réalisé entre chaque paire d’individus qui servira à estimer la variation génétique additive des caractères [13].
[30] Hewison et al 2009 Ecography [31] Gilot et al 2012 Plos one [32] Candela et al 2014 Res Vet Sci [33] Monestier et al 2015 Beh Ecol [34] Morellet et al 2011 Land Ecol.
Perspectives
Mise en évidence de sélection sur la gestion du compromis risques/ressources
Une fois le potentiel évolutif des caractères impliqués dans la gestion du compromis entre évitement du risque et accès aux ressources de qualité mise en évidence, l’étape suivante consistera à mesurer la réalisation de potentiel. L’objectif est de savoir la sélection naturelle s’opère actuellement sur ces traits. En estimant les composantes de la valeur sélective des individus (survie, succès reproducteur) et/ou ses proxy (masse, condition, charge parasitaire etc.), nous pourrons à terme répondre à cette question rarement menée empiriquement à bien chez les animaux sauvages.
Etudes comparatives sur d’autres populations ou espèces
L’approche originale développée pour cette étude sera transférable à d’autres systèmes d’étude. Nous faciliterons ce transfert en proposant un guide pratique de nos méthodes accessible à tous. Nos résultats motiveront très certainement d’autres études sur le chevreuil et d’autres espèces comme
le cerf et le sanglier pour lesquelles il existe une demande forte. Le laboratoire CEFS co-anime le réseau européen (réseau EURODEER - http://www.eurodeer.org) de suivi des mouvements du chevreuil qui comprend des données sur plusieurs milliers d’individus qui présentent des tactiques de mouvements et d’occupation de l’espace très variées dans des environnements très contrastées à travers l’Europe [35-36]. La plupart des individus équipés ont fait l’objet de prélèvement génétique lors de la capture et peuvent donc être génotypés. A terme, la comparaison de paramètres de génétique quantitative entre des populations évoluant dans des environnements différents permettra d’avoir accès à plusieurs scénarios d’adaptation du chevreuil aux changements environnementaux tels que ceux liés aux changements globaux.
Architecture moléculaire des tactiques de mouvement
L’importante résolution des données moléculaires utilisées (plusieurs dizaines de milliers de SNPs) associée au séquençage en cours du génome du cerf (Cervus cervus) offrira l’opportunité de caractériser l’architecture génomique des traits c.a.d mettre en évidence des gènes ou des régions chromosomiques associées à certaines tactiques de mouvement (Approche GWAS « Genome Wide Association study ») [37-38].
[35] Cagnacci et al 2011 Ecography [36] Morellet et al 2013 J Anim Ecol [37] Slate et al 201 Trends Genet [38] Bérénos et al 2015 Mol Ecol
II. Présentation des équipes
Ce projet interdisciplinaire est né de la collaboration entre le laboratoire INRA CEFS (Comportement et Ecologie de la Faune Sauvage) et notamment Erwan Quéméré CR2, Mark Hewison DR1, Nicolas Morellet IR1) et l’équipe PRADA (« Processes of adaptation ») du laboratoire EDB (Evolution et Diversité Biologie) de l’Université Toulouse III Paul Sabatier, et notamment Benoit Pujol CR1 CNRS.
- Laboratoire INRA CEFS
L’unité INRA CEFS (http://www6.toulouse.inra.fr/cefs/) étudie depuis plus de 20 ans l’écologie comportementale de la faune sauvage et jouit d’une réputation internationale par ses travaux sur le chevreuil. L’unité regroupe de compétences transdisciplinaires en écologie comportementale, écologie du paysage, écologie trophique et parasitaire et en génétique des populations. Cette expertise est mise à profit pour l’étude du rôle de l’hétérogénéité de l’espace sur le fonctionnement et la structuration des populations d’ongulés sauvages en termes d’utilisation des ressources (espace, habitat, plantes), d’état sanitaire, de variabilité des traits d’histoire de vie (succès de reproduction, croissance, survie), de dispersion et de structuration génétique et démographique. Une emphase particulière est mise sur l’étude du mouvement animal qui détermine les flux d’individus, de gènes, de nutriments et de pathogène dans l’espace. Un des points forts est l’utilisation d’une approche individu-centrée dans le sens où un échantillon de la population est suivi de la naissance jusqu’à la mort des individus pour mieux étudier le développement du comportement, sa plasticité et les compromis qui jouent entre les différent étapes de leur histoire de vie. Ce type d’approche permet d’évaluer l’hétérogénéité intra et interindividuelles de comportement et donc d’étudier les différentes gammes de réponses potentielles aux modifications de l’environnement. L’arrivée d’E. Quéméré recruté en 2012 avec des compétences d’écologie moléculaire et de génétique des populations a apporté une nouvelle dimension au projet collectif en
étudiant la base génétique de la variabilité phénotypique pour l’instant principalement par le biais d’approches gènes candidats.
- Laboratoire Evolution et Diversité Biologique – Equipe PRADA – Université de Toulouse III.
L’équipe PRADA du laboratoire EDB se focalise sur le principal mécanisme d’évolution, à savoir la sélection naturelle. Le projet PRADA est organisé autour des trois piliers de l’adaptation :
1. Variation et contraintes des traits d’histoire de vie : L’histoire de vie qui peut être définie comme une configuration individuelle d’allocation, au cours de la vie, de temps et d’énergie à différentes activités fondamentales telles que la croissance, la réparation des tissus et leur entretien, ainsi que la reproduction. L’un de nos objectifs est d’étudier les stratégies d’allocation de ressources (temps et énergie) à différentes fonctions. L’un des enjeux actuels majeurs est d’étudier les stratégies d’allocation à l’échelle individuelle. Cela implique de quantifier les variations des paramètres démographiques entre individus et d’utiliser les développements récents des outils statistiques.
2. Pressions de sélection : Ce thème s’intéresse aux différentes pressions de sélections impliquées dans les processus évolutifs, et en particulier celles déterminées par des interactions durables entre un organisme et son environnement (biotique ou abiotique). Notre équipe s’intéresse de près à l’environnement et à ses variations dans le temps et l’espace. Dans cette perspective, une des thématiques de recherche de l’équipe consiste à étudier dans quelles mesures les changements environnementaux induits par l’homme, tels que les changements climatiques ou l’urbanisation, peuvent constituer des pressions de sélection sur les espèces.
3. Transmission de caractères : Enfin, PRADA aborde le dernier pilier du processus de sélection naturelle qui est la transmission des caractères. Depuis l’avènement de l’hérédité mendélienne et d’hérédité des caractères quantitatifs l’étude de la transmission des caractères n’avait pas connu de révolution aussi profonde que durant cette dernière décennie. Il est clair que celle-ci ne résulte pas de la seule transmission de l’information encodée dans la séquence de l’ADN. Le domaine de l’hérédité liée à l’environnement ou hérédité non génétique est en plein essor et devrait profondément changer notre vision du vivant dans les années à venir. Nous nous attaquons à ces verrous afin de participer significativement à améliorer l’évaluation de l’impact de l’hérédité génétique et non génétique sur la diversité phénotypique des organismes et leur capacité d’adaptation.
Complémentarité entre les deux équipes:
La complémentarité entre l’expertise en écologie spatiale, en biologie comportementale et en génétique/génomique des populations du laboratoire CEFS (à l’origine de l’acquisition des données comportementales et génomiques) et l’expertise en génétique quantitative, biologie de l’évolution et adaptation de l’équipe PRADA du laboratoire EDB (représentée par Benoit Pujol) permettra de mener à bien tous les objectifs originaux de ce projet.
De plus, ce projet bénéficiera de son ouverture internationale par l’intermédiaire de l’expertise de Joséphine Pemberton (Institut of Evolutionary Biology, University of Edinburgh), spécialiste de la génomique des ongulés sauvages qui a accueilli dans son groupe, E. Quéméré (co-encadrant) pour un
séjour de mobilité d’un an en 2014 pour la maturation du projet et le développement des données moléculaires.
Ecologie évolutive/Génétique quantitative sur ongulés sauvages. Base génétique d’un succès écologique : la colonisation des agrosystèmes par le chevreuil européen (Capreolus capreolus)
Laboratoire d’accueil: UR035 Comportement et Ecologie de la Faune Sauvage (INRA, Toulouse)
Descriptif de l’encadrement :
La thèse sera co-encadré par Erwan Quéméré (Chargé de recherche, INRA, CEFS, Toulouse) et Benoit Pujol (HDR, CR CNRS, EDB, Toulouse). Elle sera également suivie par Mark Hewison, Nicolas Morellet (CEFS) et Joséphine Pemberton (IEB Edinburgh), partenaires du projet.
Résumé du sujet de thèse (find below the abstract in English):
La persistance des populations naturelles dans les habitats gérés par l’Homme dépend des réponses comportementales que les individus mettent en place pour gérer les compromis entre l’acquisition des ressources alimentaires et l’évitement des risques (ex : collision, prédation, chasse, parasites). Un enjeu important est de caractériser les mécanismes évolutifs qui sous-tendent ces réponses : Il faut établir si elles sont inscrites de manière pérenne dans le patrimoine génétique des animaux (réponse micro-évolutive) ou s’il s’agit de réponses directes à l’environnement n’impliquant pas la variabilité génétique (plasticité phénotypique). Dans le cadre de cette étude, nous étudierons une population de chevreuils (Capreolus capreolus) évoluant dans un paysage agricole hétérogène composés de haies, bosquets (habitats refuges), prairies et cultures (où sont présents nourritures de qualité et risques). Cette population présente une importante variabilité comportementale marquée par la présence de tactiques individuelles de gestion du compromis acquisition des ressources/évitement des risques qui reflètent la sensibilité au stress des individus. En combinant des approches d’écologie spatiale, comportementale, de génétique quantitative et des données de génomique, ce projet vise à évaluer (i) l’architecture génétique de ces tactiques comportementales (ii) les corrélations génétiques entre les différents de traits de mouvement, d’occupation de l’espace et de vigilance impliqués dans ces tactiques de réponse (présence de syndromes comportementaux) et (iii) les corrélations génétiques entre ces tactiques et l’état physiologique et immunitaire des individus.
Une version détaillée du projet, des équipes impliquées et du plan de la thèse est décrite ci-dessous.
Profil du candidat : Nous recherchons un(e) candidate avec un excellent dossier académique et de bonnes connaissances en écologie évolutive et en statistiques. Une expérience de génétique quantitative (utilisation du modèle animal) serait bienvenue.
Pour postuler : La thèse débutera en octobre 2016. Les dossiers de candidatures, comprenant un CV, une lettre de motivation, les bulletins de notes de Master 1 et 2 (provisoire), et un ou deux contacts susceptibles de donner un avis sur le candidat devront être adressés à Erwan Quéméré (erwan.quemere@toulouse.inra.fr) et Benoit Pujol (benoit.pujol@univ-tlse3.fr).
Pour plus d’information : Erwan Quéméré ; Tél : +33 (0) 5 61 28 54 97.
Scientific abstract
The persistence of wild populations living in human-dominated landscapes rely on the behavioral responses that individuals use to manage trade-off between the acquisition of food and the risk avoidance (e.g. collision, predation, hunting, parasites). An important issue is to identify the evolutionary mechanisms underpinning these responses to establish whether they are partly genetically determined (micro-evolutionary response) or only driven by environment (phenotypic plasticity). In this project, we study a roe deer population (Capreolus capreolus) inhabiting a heterogeneous agricultural landscape covered by a mosaic of woodland fragments, hedges (refuge habitats), meadows and crops (where both quality food and risks coexist). This population show a large behavioral variation characterized by the presence of individuals tactics to manage the trade-off of resources and risks. By using approach in spatial and behavioral ecology, quantitative genetics and genomic data (to establish relatedness among individuals), this project aim to assess (i) the genetic architecture of these individual behavioral tactics, (ii) the genetic correlation between the different traits of movement, space use and vigilance involved in these response tactics (i.e. presence of behavioral syndrome) and (iii) the genetic correlation between the tactics and the immunological and physiological state of individuals.
Présentation détaillée du projet « GENEMOV » Base génétique d’un succès écologique : la colonisation des agrosystèmes par le chevreuil européen (Capreolus capreolus)
I. Présentation du projet
Résumé du projet.
La persistance des populations naturelles dans les habitats gérés par l’Homme dépend des réponses comportementales que les individus mettent en place pour gérer les compromis entre l’acquisition des ressources nutritives et l’évitement des risques (ex : collision, prédation, chasse, parasites). Un enjeu important est de caractériser les mécanismes évolutifs qui sous-tendent ces réponses : Il faut établir si elles sont inscrites de manière pérenne dans le patrimoine génétique des animaux (réponse micro-évolutive) ou s’il s’agit de réponses directes à l’environnement n’impliquant pas la variabilité génétique (plasticité phénotypique). Dans le cadre de cette étude, nous étudierons une population de chevreuils (Capreolus capreolus) évoluant dans un paysage agricole hétérogène composés de haies, bosquets (habitats refuges), prairies et cultures (où sont présents nourritures de qualité et risques). Cette population présente une importante variabilité comportementale marquée par la présence de tactiques individuelles de gestion du compromis acquisition des ressources/évitement des risques qui reflètent la sensibilité au stress des individus. En combinant des approches d’écologie spatiale, comportementale, de génomique et de génétique quantitative, ce projet vise à évaluer (i) l’architecture génétique de ces tactiques comportementales (ii) les corrélations génétiques entre les différents de traits de mouvement, d’occupation de l’espace et de vigilance impliqués dans ces tactiques de réponse (présence de syndromes comportementaux) et (iii) les corrélations génétiques entre ces tactiques et l’état physiologique et immunitaire des individus.
Motivations du projet
Comprendre les mécanismes écologiques et évolutifs qui sous-tendent l’adaptation des espèces au changement climatique et aux modifications de l’usage des sols est un enjeu majeur de l’écologie. L’intensification des pratiques agricoles a modifié les habitats naturels, conduisant à une augmentation de l’hétérogénéité des ressources et des risques encourus par la faune sauvage. Alors que les activités humaines ont réduit la qualité/quantité des ressources dans les habitats refuges [1], les ressources nutritives de qualité se concentrent désormais dans les habitats les plus risqués en termes de prédation/chasse, collision ou exposition aux parasites [2]. Dans ce contexte, la persistance des populations sauvages dépend des réponses comportementales que les individus mettent en place pour gérer les compromis entre l’acquisition des ressources et l’évitement des risques [3] et éviter l’accumulation de stress [4]. Afin de prédire la capacité des populations à persister durablement dans les habitats modifiés et gérés par l’Homme, un des enjeux est de caractériser le potentiel évolutif de ces réponses comportementales et donc des traits de mouvement, d’occupation de l’espace et/ou de vigilance qui sont impliqués dans ces réponses. Autrement dit, Il nous faut établir si ces réponses sont inscrites de manière pérenne dans le
patrimoine génétique des animaux sauvages et peuvent donc évoluer sur le long terme en réponse à la sélection naturelle ou s’il s’agit de réponses directes et rapides à l’environnement n’impliquant pas la variabilité génétique (plasticité phénotypique).
Dans le cadre de ce projet, nous nous intéressons au chevreuil européen (Capreolus capreolus), une espèce d’ongulé sauvage à fort intérêt écologique en tant qu’ingénieur des écosystèmes et économique (chasse, impact sur les cultures, diffusion de maladies). Cette espèce a vu ses effectifs augmenter considérablement un peu partout en Europe ces dernières décennies [5]. Initialement forestier, le chevreuil a colonisé tous les paysages (plaines, garrigue, montagne) et prolifère dans les paysages agricoles mixtes. Dans ce type de paysage hétérogène composé de mosaïques de prairies, cultures et bosquets, le chevreuil présente une importante variabilité comportementale [6].
Un chevreuil au milieu d’une culture sur le site d’étude (photo de Bruno Lourtet, CEFS)
Les données indirectes (suivi GPS) et directes (observations du comportement anti-prédateur) de chevreuils en agrosystème ont révélé la présence de tactiques individuelles de mouvement et d’occupation de l’espace qui traduisent la manière dont les individus interagissent avec l’environnement et gèrent les compromis entre l’évitement des risques (chasse, prédation, parasitisme) et l’acquisition des ressources *7,8]. Ces tactiques sont en partie conditionnées par le profil comportemental et physiologique des individus [9-11]. Par exemple, les individus les moins sensibles au stress utilisent d’avantage les milieux ouverts de jour, plus risqués où ils bénéficient d’une alimentation plus riche mais doivent ainsi passer plus de leur temps en vigilance *10+. L’ensemble de ces connaissances garantissent la faisabilité de ce projet et font de cette population de chevreuil en agrosystème un système idéal pour étudier la réponse comportementale des animaux sauvages aux modifications anthropiques des habitats et les mécanismes évolutifs sous-jacents (réponse plastique et/ou micro-évolutive).
[1] Forman et al 2002 Env Management [2] Mysterud et al 1999 Can J Zool [3] Martin & Réale 2008 Beh Process [4] Koolhass et al 2007 Bran Beh EVol [5] Apollonio et al. 2010 « European ungulates and their management in the 21st century » [6] Hewison et al 2001 Can J Zool [7] Bonnot et al 2013 Eur J Wildl Res [8] Monestier et al 2016 submit [9] Benhaiem et al 2008 Animal Beh *10+ Bonnot et al 2015 Beh Ecol *11+ Monestier et al “Consistent individuals’ behavioral response during an acute stress in a large ungulate” in prep
Objectifs
Ce projet vise à évaluer l’architecture génétique des tactiques individuelles de gestion du compromis « évitement du risque/acquisition des ressources » d’une population de chevreuils évoluant dans en
agrosystème au coeur de notre région sur le site atelier des coteaux de Gascogne en Haute-Garonne. Le comportement de cette population est suivi de façon intensive depuis une quinzaine d’années. L’étude portera sur un ensemble de traits de mouvement et d’occupation de l’espace qui sont impliqués dans la gestion de ce compromis et mesurés grâce aux suivis GPS des individus comme par ex : la probabilité de présence d’un chevreuil en milieu ouvert (alimentation riche) /boisé (valeur refuge) [7], la surface de son domaine vital [12], sa vitesse de mouvement ou encore son niveau d’activité dans les différents types d’habitats.
L’une des originalités de ce projet sera l’utilisation de données génomiques qui permettront d’estimer l’apparentement génétique entre chaque paire d’individus. A l’aide de cette approche innovante, nous pourrons estimer les paramètres de génétique quantitative adéquats des traits sans la nécessité d’un pedigree *13+.
AXE 1 - Mouvements et d’occupation de l’espace : caractères génétiques ou plastiques ?
Nous déterminerons la part de variabilité des caractères expliqués par les gènes (héritabilité) et par l’environnement (effet maternel, type d’habitat, variables saisonnière) à l’aide d’une approche de génétique quantitative (utilisation du modèle animal) [14].
AXE 2 – Corrélations génétiques entre caractères : contraintes ou opportunité pour l’évolution des tactiques comportementales des chevreuils ?
Des modèles animaux bivariés nous permettront d’évaluer les corrélations environnementales et génétiques entre chaque paire de caractères. Les corrélations positives renforcent l’évolution conjointe des caractères alors que les corrélations négatives illustrent des contraintes entre caractères. Ces corrélations, non visibles à l’échelle phénotypique, peuvent respectivement accélérer ou freiner l’évolution des traits *15+.
AXE 3 - Est-ce que les tactiques de gestion du compromis risques/ressources sont corrélés génétiquement aux profils comportementaux et physiologiques des individus ?
Des travaux précédents ont mis en évidence l’existence de profils de « personnalité » chez le chevreuil [16,17] : les individus qui ont la plus forte réponse au stress (lors de la capture) sont aussi ceux qui sont les plus vigilants et les plus actifs en milieu ouvert. Ces syndromes comportementaux *18+ que l’on qualifie de « personnalité » sont répétables dans le temps, liés à l’état physiologique (réponse au stress) et immunitaire des individus et influencent leur choix d’habitat [7,17]. L’objectif ici est savoir si ces syndromes observés à l’échelle phénotypique ont une base génétique ou résultent uniquement d’un effet conjoint de l’environnement sur les différents traits. Autrement dit, il s’agit de savoir si le mouvement et l’’occupation de l’espace des chevreuils sont en partie déterminés génétiquement par le profil comportemental/physiologique des individus.
[13] Bérénos et al 2014 Mol Ecol [14] Falconer Mackay 1996 Introduction to quantitative genetics [15] Kruuk et al 2008 Ann Rev Ecol, Evol) [16] Debeffe et al 2014 Proc R Soc B [17] Monestier et al 2015 Beh Ecol [18] Sih et al 2004 Trend Ecol Evol.
Position par rapport aux travaux en cours
Ancrage local et national
Cette étude s’inscrit parfaitement dans le projet collectif du laboratoire CEFS qui est centré sur le rôle de l’hétérogénéité interindividuelle du comportement sur le fonctionnement des populations
d’ongulés sauvages. La mise en évidence de syndromes comportementaux chez le chevreuil et leur lien avec l’occupation de l’espace et l’histoire de vie des individus est une thématique majeure du laboratoire. Cette étude propose d’offrir un éclairage évolutif à ces questions afin de pouvoir prédire de pouvoir prédire l’évolution de ces syndromes chez les animaux sauvages. Dans le cadre du laboratoire EDB, ces travaux s’insèrent parfaitement dans l’équipe PRADA qui étudie la capacité d’adaptation des populations animales et végétales et le lien de cette capacité avec le comportement chez les animaux. Sur le plan national, cette étude est parfaitement cohérente avec les objectifs du métaprogramme INRA ACCAF « Adaptation de l’Agriculture et de la forêt au Changement climatique ». A l’échelle inter-instituts, il s’agit d’une thématique prioritaire : « Adaptation en milieu Hétérogène » du groupe national de recherche de « génétique quantitative dans les populations naturelles » (GDR GQPN) piloté par Benoit Pujol, co-encadrant de cette thèse.
Positionnement vis-à-vis de l’état de l’art et de la bibliographie
Les syndromes comportementaux, l’adaptation des populations naturelles au changement global et le déterminisme génétique et environnemental des caractères complexes sont trois thématiques très productives et dynamiques de la recherche scientifique internationale. Il ne fait aucun doute que notre projet à l’interface de ces thématiques sera reçu très positivement par la communauté scientifique. Ce projet est également novateur sur le plan méthodologique car il propose d’utiliser pour la première fois des données comportementales et génomiques de haute précision sur une même population. Les études de génétiques quantitatives menées sur des populations naturelles *19+ sont pour l’instant limitées à quelques groupes taxonomiques *20+. La plupart de ces études portent sur le déterminisme de traits morphologiques ou d’histoire de vie chez des populations suivies sur le long terme et qui, pour des raisons de conservation, ont été isolées de l’action de l’homme depuis plusieurs décennies. Malgré l’amélioration des technologies de suivi à distance des individus (miniaturisation, plus grande simplicité et autonomie des colliers GPS), un nombre très limité d’études se sont intéressées à la génétique du comportement spatial dans les populations naturelles [20-22]. Il existe plusieurs travaux théoriques sur les conséquences écologiques et évolutives des syndromes comportementaux [23-24] notamment en termes de gestion des compromis spatiaux entre croissance et survie [25] mais très peu de démonstrations empiriques [26-28]. Dans ces quelques travaux, les auteurs explorent les conséquences de la personnalité sur la spécialisation de niche des individus mais sans faire le lien explicitement avec leur comportement spatial ou anti-prédateur *29+. Ce nombre limité d’études sur la génétique du comportement spatial est dû en partie à la difficulté d’obtenir des données de mouvement et d’apparentement pour une nombre d’individus suffisamment important (plusieurs centaines) pour estimer avec précision les paramètres de génétique quantitative. Notre projet permettra donc un saut conceptuel en testant empiriquement des hypothèses généralement explorées théoriquement.
[19 ] Charmantier et al 2014 Quantitative genetics in the wild [20] Pemberton 2008 Proc R Soc B [20] Delmore et al 2015 Sci Rep [21] Delmore et al 2015 Mol Ecol [22] Northup et al 2014 Evol Appl [23] Dingemanse & Wolf 2010 Philos Trans R Soc Lon B Biol Sci [24] Wolf & Weissing 2010 Philos Trans R Soc Lon B Biol Sci [25] Stamps 2007 Ecol Letters [26] Dingemanse & Réale 2005 Behaviour [27] Boon et al 2007 Ecol Letters [28] Boon et al 2008 Oikos [29] Shafer et la 2016 Plos Biol
Plan de réalisation
Dans le cadre de ce projet, nous étudierons la population de chevreuils du site atelier des coteaux de Gascogne) (7500 ha) qui évolue naturellement dans un habitat hétérogène composé d’une mosaïque
de lambeaux forestier, petits bois, terrains cultivés et prairies plus ou moins bordées de haies. L’étude portera sur 330 individus capturés entre 2004 et 2014 dans plusieurs secteurs de cette zone, qui varient en termes de proportion d’habitat boisé ou ouvert *30+. Chaque individu a été sexé, âgé, mesuré, pesé et a fait l’objet de prélèvements de sang et fèces pour déterminer son état parasitaire, physiologique et immunitaire [31,32]. Une note de réponse au stress (sur un gradient proactif-réactif) a également été attribuée en fonction du comportement lors de la capture *33+ ainsi qu’un score de vigilance à partir d’observations directes (distance de fuite, etc.). Enfin, chacun de ces individus a été équipé d’un collier GPS ou VHF pendant un an ou plus afin d’étudier ses mouvements et son occupation de l’espace *34+.
Carte du site d’étude illustrant l’hétérogénéité du paysage. Les deux grands massifs forestiers et les zones boisées sont figurés en noirs. Les zones ouvertes (cultures, prairies) sont représentées en blanc.
Des outils génomiques (>10 000 SNPs répartis sur l’ensemble du génome) ont été développés pour ces mêmes 330 animaux (approche de génotypage par séquençage RADseq). Les données ainsi générées seront utilisées pour calculer une distance génétique d’apparentement réalisé entre chaque paire d’individus qui servira à estimer la variation génétique additive des caractères [13].
[30] Hewison et al 2009 Ecography [31] Gilot et al 2012 Plos one [32] Candela et al 2014 Res Vet Sci [33] Monestier et al 2015 Beh Ecol [34] Morellet et al 2011 Land Ecol.
Perspectives
Mise en évidence de sélection sur la gestion du compromis risques/ressources
Une fois le potentiel évolutif des caractères impliqués dans la gestion du compromis entre évitement du risque et accès aux ressources de qualité mise en évidence, l’étape suivante consistera à mesurer la réalisation de potentiel. L’objectif est de savoir la sélection naturelle s’opère actuellement sur ces traits. En estimant les composantes de la valeur sélective des individus (survie, succès reproducteur) et/ou ses proxy (masse, condition, charge parasitaire etc.), nous pourrons à terme répondre à cette question rarement menée empiriquement à bien chez les animaux sauvages.
Etudes comparatives sur d’autres populations ou espèces
L’approche originale développée pour cette étude sera transférable à d’autres systèmes d’étude. Nous faciliterons ce transfert en proposant un guide pratique de nos méthodes accessible à tous. Nos résultats motiveront très certainement d’autres études sur le chevreuil et d’autres espèces comme
le cerf et le sanglier pour lesquelles il existe une demande forte. Le laboratoire CEFS co-anime le réseau européen (réseau EURODEER - http://www.eurodeer.org) de suivi des mouvements du chevreuil qui comprend des données sur plusieurs milliers d’individus qui présentent des tactiques de mouvements et d’occupation de l’espace très variées dans des environnements très contrastées à travers l’Europe [35-36]. La plupart des individus équipés ont fait l’objet de prélèvement génétique lors de la capture et peuvent donc être génotypés. A terme, la comparaison de paramètres de génétique quantitative entre des populations évoluant dans des environnements différents permettra d’avoir accès à plusieurs scénarios d’adaptation du chevreuil aux changements environnementaux tels que ceux liés aux changements globaux.
Architecture moléculaire des tactiques de mouvement
L’importante résolution des données moléculaires utilisées (plusieurs dizaines de milliers de SNPs) associée au séquençage en cours du génome du cerf (Cervus cervus) offrira l’opportunité de caractériser l’architecture génomique des traits c.a.d mettre en évidence des gènes ou des régions chromosomiques associées à certaines tactiques de mouvement (Approche GWAS « Genome Wide Association study ») [37-38].
[35] Cagnacci et al 2011 Ecography [36] Morellet et al 2013 J Anim Ecol [37] Slate et al 201 Trends Genet [38] Bérénos et al 2015 Mol Ecol
II. Présentation des équipes
Ce projet interdisciplinaire est né de la collaboration entre le laboratoire INRA CEFS (Comportement et Ecologie de la Faune Sauvage) et notamment Erwan Quéméré CR2, Mark Hewison DR1, Nicolas Morellet IR1) et l’équipe PRADA (« Processes of adaptation ») du laboratoire EDB (Evolution et Diversité Biologie) de l’Université Toulouse III Paul Sabatier, et notamment Benoit Pujol CR1 CNRS.
- Laboratoire INRA CEFS
L’unité INRA CEFS (http://www6.toulouse.inra.fr/cefs/) étudie depuis plus de 20 ans l’écologie comportementale de la faune sauvage et jouit d’une réputation internationale par ses travaux sur le chevreuil. L’unité regroupe de compétences transdisciplinaires en écologie comportementale, écologie du paysage, écologie trophique et parasitaire et en génétique des populations. Cette expertise est mise à profit pour l’étude du rôle de l’hétérogénéité de l’espace sur le fonctionnement et la structuration des populations d’ongulés sauvages en termes d’utilisation des ressources (espace, habitat, plantes), d’état sanitaire, de variabilité des traits d’histoire de vie (succès de reproduction, croissance, survie), de dispersion et de structuration génétique et démographique. Une emphase particulière est mise sur l’étude du mouvement animal qui détermine les flux d’individus, de gènes, de nutriments et de pathogène dans l’espace. Un des points forts est l’utilisation d’une approche individu-centrée dans le sens où un échantillon de la population est suivi de la naissance jusqu’à la mort des individus pour mieux étudier le développement du comportement, sa plasticité et les compromis qui jouent entre les différent étapes de leur histoire de vie. Ce type d’approche permet d’évaluer l’hétérogénéité intra et interindividuelles de comportement et donc d’étudier les différentes gammes de réponses potentielles aux modifications de l’environnement. L’arrivée d’E. Quéméré recruté en 2012 avec des compétences d’écologie moléculaire et de génétique des populations a apporté une nouvelle dimension au projet collectif en
étudiant la base génétique de la variabilité phénotypique pour l’instant principalement par le biais d’approches gènes candidats.
- Laboratoire Evolution et Diversité Biologique – Equipe PRADA – Université de Toulouse III.
L’équipe PRADA du laboratoire EDB se focalise sur le principal mécanisme d’évolution, à savoir la sélection naturelle. Le projet PRADA est organisé autour des trois piliers de l’adaptation :
1. Variation et contraintes des traits d’histoire de vie : L’histoire de vie qui peut être définie comme une configuration individuelle d’allocation, au cours de la vie, de temps et d’énergie à différentes activités fondamentales telles que la croissance, la réparation des tissus et leur entretien, ainsi que la reproduction. L’un de nos objectifs est d’étudier les stratégies d’allocation de ressources (temps et énergie) à différentes fonctions. L’un des enjeux actuels majeurs est d’étudier les stratégies d’allocation à l’échelle individuelle. Cela implique de quantifier les variations des paramètres démographiques entre individus et d’utiliser les développements récents des outils statistiques.
2. Pressions de sélection : Ce thème s’intéresse aux différentes pressions de sélections impliquées dans les processus évolutifs, et en particulier celles déterminées par des interactions durables entre un organisme et son environnement (biotique ou abiotique). Notre équipe s’intéresse de près à l’environnement et à ses variations dans le temps et l’espace. Dans cette perspective, une des thématiques de recherche de l’équipe consiste à étudier dans quelles mesures les changements environnementaux induits par l’homme, tels que les changements climatiques ou l’urbanisation, peuvent constituer des pressions de sélection sur les espèces.
3. Transmission de caractères : Enfin, PRADA aborde le dernier pilier du processus de sélection naturelle qui est la transmission des caractères. Depuis l’avènement de l’hérédité mendélienne et d’hérédité des caractères quantitatifs l’étude de la transmission des caractères n’avait pas connu de révolution aussi profonde que durant cette dernière décennie. Il est clair que celle-ci ne résulte pas de la seule transmission de l’information encodée dans la séquence de l’ADN. Le domaine de l’hérédité liée à l’environnement ou hérédité non génétique est en plein essor et devrait profondément changer notre vision du vivant dans les années à venir. Nous nous attaquons à ces verrous afin de participer significativement à améliorer l’évaluation de l’impact de l’hérédité génétique et non génétique sur la diversité phénotypique des organismes et leur capacité d’adaptation.
Complémentarité entre les deux équipes:
La complémentarité entre l’expertise en écologie spatiale, en biologie comportementale et en génétique/génomique des populations du laboratoire CEFS (à l’origine de l’acquisition des données comportementales et génomiques) et l’expertise en génétique quantitative, biologie de l’évolution et adaptation de l’équipe PRADA du laboratoire EDB (représentée par Benoit Pujol) permettra de mener à bien tous les objectifs originaux de ce projet.
De plus, ce projet bénéficiera de son ouverture internationale par l’intermédiaire de l’expertise de Joséphine Pemberton (Institut of Evolutionary Biology, University of Edinburgh), spécialiste de la génomique des ongulés sauvages qui a accueilli dans son groupe, E. Quéméré (co-encadrant) pour un
séjour de mobilité d’un an en 2014 pour la maturation du projet et le développement des données moléculaires.